Lettre du Prélat (janvier 2007)

Lettre de Mgr Xavier Echevarría aux fidèles de l'Opus Dei, dont la paix est le thème central. «Quelle paix laissons-nous dans les âmes ? Les gens peuvent-ils affirmer que nous les aimons ?» demande le prélat.

Très chers, que Jésus garde mes filles et mes fils !

Pendant la période de Noël, l'Église nous rappelle à différentes reprises qu'au moment le plus important de l'histoire, lorsque Dieu fait homme est venu au monde, un cantique de joie a résonné dans les cieux : Gloria in altissimis Deo, et super terram pax in hominibus bonæ voluntatis[1]. L'hymne des anges nous montre que la gloire de Dieu et la paix sur la terre sont des réalités qui vont de pair. En nous appelant à participer à sa vie intime, le Seigneur nous a incorporés à l'infinie communion d'amour qui existe au sein de la Trinité. C'est pourquoi Dieu le Père a envoyé son Fils dans le monde ; puis, le Père et le Fils nous ont envoyé l'Esprit Saint. Depuis lors et jusqu'à la fin des temps, à travers l'Église, qui est la famille de Dieu sur la terre, il déverse son amour, sa joie et sa paix.

C'est aujourd'hui, 1er janvier, la Journée Mondiale de la Paix : date tout à fait appropriée pour supplier le Seigneur de répandre ce don céleste dans tous les cœurs et dans la société. Comme le rappelait le saint-père au début de l'Avent, la paix est l'objectif auquel aspire l'humanité tout entière ! Pour les croyants, la "paix" est l'un des plus beaux noms de Dieu, qui désire l'entente de tous ses fils[2].

Le Christ est venu abattre le mur qui séparait les juifs des gentils, faisant d'eux un peuple nouveau[3] qui serve Dieu dans la justice et la sainteté. Il est venu apporter la paix, non seulement parmi les juifs et les non juifs, mais entre toutes les nations, car tous proviennent du même Dieu, unique Créateur et Seigneur de l'univers[4].

À ce propos, le message pontifical pour la Journée Mondiale de la Paix a, cette année, un titre tout à fait significatif : "La personne humaine, cœur de la paix". Le pape désire souligner que les efforts pour promouvoir la paix dans le monde, toujours louables, sont vains ou peu durables s'il n'existe pas une véritable préoccupation de respecter la dignité de tous les hommes et de toutes les femmes. Je suis en effet convaincu, écrit-il, qu'en respectant la personne on promeut la paix et qu'en bâtissant la paix on jette les bases d'un authentique humanisme intégral. C'est ainsi que se prépare un avenir serein pour les nouvelles générations[5].

Le pape rappelle les nombreuses conséquences de ce principe fondamental : le droit à la vie et à la liberté religieuse ; l'égalité naturelle de toutes les personnes qui se reflète dans la sauvegarde des droits de l'homme ; la nécessité de développer la coexistence et la compréhension entre les personnes de religions, cultures et races différentes… Comme prémisse indispensable, il signale que la paix véritable est un don de Dieu et une tâche confiée aux hommes. En tant que don divin, la paix avait été promise aux hommes depuis l'antiquité mais ce n'est qu'avec la naissance de Jésus-Christ qu'elle fut envoyée sur terre. “ Ecce pax non promissa, sed missa ”, écrit saint Bernard. “ Voici maintenant la paix non plus promise simplement mais envoyée ; non plus différée, mais donnée ; non plus prophétisée, mais présentée. Voici que Dieu a envoyé sur la terre comme le trésor même de sa miséricorde, ce trésor, dis-je, dont la passion doit briser l'enveloppe, pour en répandre le prix de notre salut qui y est caché ; pour être peu volumineux, il n'en est pas moins rempli, car si ce n'est qu'un tout petit enfant qui nous a été donné, en lui habite toute la plénitude de la divinité ”[6]. Rendons grâce à Dieu pour son infinie miséricorde et rendons lui grâce aussi au nom de ceux qui ne l'ont pas reconnu. Ressentons la nécessité d'aimer toutes les personnes et pensons davantage au grand cœur de saint Josémaria pour qui le monde semblait petit.

En même temps, la paix suppose une tâche confiée aux hommes de bonne volonté ; une bonne volonté qui vient de l'amour même que Dieu a pour nous. Comme vous le savez, le chant des anges peut être traduit de façon plus littérale : "…et paix sur la terre aux hommes que le Seigneur aime". La tâche qui consiste à faire grandir la paix est confiée non seulement à ceux qui ont des responsabilités directes dans la gestion de la chose publique, mais à tous les citoyens sans exception, chacun selon ses possibilités. Accomplissons tous les jours cette merveilleuse tâche et efforçons-nous d'être des semeurs de paix et de joie— comme saint Josémaria aimait à le dire — dans les différentes circonstances de notre existence. Quelle paix laissons-nous dans les âmes ? Les gens peuvent-ils affirmer que nous les aimons ? Comment prions-nous pour ceux qui souffrent ?

Nous devons en premier lieu cultiver la paix dans notre âme, où doit régner ce don divin qui devra, par la suite, être transmis aux autres. C'est du cœur humain que provient le mal ; mais avec la grâce de Dieu, c'est aussi du cœur que naissent les bonnes choses que la créature est à même de mener à bien. L'homme bon tire le bien du trésor de bonté de son cœur ; et, de sa malice, l'homme mauvais tire le mal ; car sa bouche parle du trop-plein du cœur[7]. Benoît XVI affirme : La "grâce" est la force qui transforme l'homme et le monde : la "paix" est le fruit mûr de cette transformation[8]. Cependant, la collaboration libre de la personne est nécessaire au projet divin du salut. Et comme en dernière instance la cause des conflits réside dans le cœur, il en résulte que chacun doit lutter de façon décidée pour affirmer le Royaume de Dieu dans son propre cœur.

Il s'agit là d'une vérité aussi ancienne que l'Évangile, et malheureusement beaucoup la méconnaissent ou ne la mettent pas en pratique. Le Seigneur a dit : ne pensez pas que je sois venu apporter la paix sur la terre. Je suis venu apporter, non la paix, mais le glaive[9]. Il parlait de la guerre contre le péché, présupposé indispensable pour la paix véritable.

Lorsque l'effort pour éradiquer la mauvaise herbe du péché et pour s'identifier au Christ est sincère, l'existence du chrétien devient cette bonne terre, où peuvent germer les vertus qui permettent la coexistence, remplie de charité et de paix, parmi des personnes de milieux très divers. Dans ce sens, Benoît XVI affirme qu'en plus de l'écologie de la nature, il y a donc une écologie que nous pourrions appeler "humaine", qui requiert parfois une "écologie sociale". Et il ajoute : Il est donc urgent […] de s'engager pour donner vie à une écologie humaine qui favorise la croissance de "l'arbre de la paix"[10].

Diffusons autour de nous ces désirs du saint-père. Et, en même temps, avec un grand cœur, demandons pardon au Seigneur et réparons pour nos péchés qui l'ont offensé, et aussi pour ceux qui, un peu partout dans le monde, l'offensent en prônant de comportements contraires à la loi naturelle et, par conséquent, à la dignité humaine.

Avec le nouvel an, nous célébrons la Maternité divine de Marie, qui est à la racine de toutes les grâces que le Seigneur a accordées à notre Mère. Ayons recours à son intercession remplis de confiance, plaçons entre ses mains notre lutte personnelle pour atteindre la sainteté et notre prière pour la paix. Elle, Regina pacis, obtiendra de Jésus-Christ, Prince de la paix[11], ce cadeau divin que les âmes, l'Église, le monde entier désirent tant.

Je vous bénis avec toute mon affection.

Votre Père,

+Xavier

Pampelune, le 1er janvier 2007

[1]              . Lc 2, 14.

[2]              . BENOÎT XVI, Homélie, 2 décembre 2006.

[3]              . Cf. Ep 2, 14-17.

[4]              . BENOÎT XVI, Homélie à Éphèse, 29 novembre 2006.

[5]              . BENOÎT XVI, Message pour la Journée Mondiale de la Paix 2007, 8 décembre 2006, n. 1.

[6]              . Liturgie des Heures, 29 décembre, Deuxième Lecture de l'Office de lectures (Saint Bernard, Sermon I sur l'Épiphanie du Seigneur).

[7]              . Lc 6, 45.

[8]              . BENOÎT XVI, Homélie à Éphèse, 29 novembre 2006.

[9]              . Mt 10, 34.

[10]            . BENOÎT XVI, Message pour la Journée Mondiale de la Paix 2007, 8 décembre 2006, n. 8 et 10.

[11]            . Is 9, 5.