« Vous pouvez compter sur la prière de milliers de personnes »

Homélie de Mgr Xavier Echevarria, prélat de l’Opus Dei, prononcée en la basilique Saint-Eugène à l’occasion de l’ordination sacerdotale de diacres de la prélature

Mgr Echévarria au cours de son homélie

Chers frères et sœurs, très chers diacres,

Nous célébrons l’Ascension du Seigneur, solennité particulièrement joyeuse parce qu’elle nous permet de contempler Jésus-Christ qui, sous l’acclamation de la multitude des anges, pénètre glorieux au ciel. Nous aussi, membres de son Corps mystique, « nous vivons dans l’espérance qu’un jour nous nous unirons à lui dans la gloire »(1). Cette assurance tempère l’atmosphère de tristesse caractéristique de cette fête. Les apôtres eux-mêmes, en réalisant que la séparation physique de Jésus était définitive, après avoir passé trois ans à ses côtés, sont restés désorientés, avec le regard fixé sur le Seigneur qui s’éloignait. Jusqu’à ce qu’un ange leur pose cette question : « Hommes de Galilée, pourquoi rester ainsi à regarder le ciel ? Ce Jésus qui, d’auprès de vous, a été enlevé au ciel viendra comme cela, de la même manière que vous l’avez vu s’en aller vers le ciel. » (2). Ensuite, les apôtres « retournèrent à Jérusalem pleins de joie. » (3)

Jusqu’à son retour glorieux sur la terre, Jésus continue de se trouver parmi nous de diverses façons, grâce à l’action toute puissante de l’Esprit Saint. Le concile Vatican II enseigne que le Seigneur « est là présent par sa vertu dans les sacrements au point que lorsque quelqu'un baptise, c'est le Christ lui-même qui baptise. Il est là présent dans sa parole, car c'est lui qui parle tandis qu'on lit dans l'Église les saintes écritures. Enfin il est là présent lorsque l'Église prie et chante les psaumes, lui qui a promis : « Là où deux ou trois sont rassemblés en mon nom, je suis là, au milieu d'eux » (Mt 18, 20). » (4). Et il est présent, en premier lieu, « dans le sacrifice de la messe, et dans la personne du ministre (…) et, au plus haut point, sous les espèces eucharistiques » (5). Je voudrais faire référence brièvement à cette présence réelle, pour exposer la signification de la célébration eucharistique durant laquelle un groupe de diacres de la prélature va recevoir l’ordination sacerdotale.

La récente encyclique de Jean-Paul II sur l’Eucharistie insiste beaucoup sur un point central de la doctrine catholique : « Quand l'Église célèbre l'Eucharistie, mémorial de la mort et de la résurrection de son Seigneur, cet événement central du salut est rendu réellement présent (…). Ce sacrifice est tellement décisif pour le salut du genre humain que Jésus Christ ne l'a accompli et n'est retourné vers le Père qu'après nous avoir laissé le moyen d'y participer comme si nous y avions été présents. » (6)

Si nous méditons profondément ces paroles, en cherchant de capter tout leur sens, nous nous rendrons compte qu’il s’agit de quelque chose de réellement impressionnant. Nous n’avons rien à envier aux apôtres : nous aussi, hommes et femmes du XXIème siècle, quand nous participons à la messe avec une foi vive et une piété sincère, nous entrons en contact direct avec la mort et la résurrection du Seigneur. L’action salvifique du Verbe incarné, accomplie il y a deux mille ans, avec laquelle il nous a délivrés du péché et nous a constitués fils de Dieu, se rend sacramentellement présente lors du saint sacrifice de l’autel. Comme saint Josémaria l’affirmait, « la sainte messe est un sacrifice réel, actuel et propitiatoire ». Étant réel et actuel, nous devons faire l’effort d’entrer chaque jour d’avantage dans ce sacrifice et ainsi convertir notre journée en offrande sainte, pure et sans tache faite à Dieu le Père, avec le Christ, dans le Saint-Esprit. Étant propitiatoire, nos négligences, comme par exemple celle de ne pas avoir su mettre tant de fois la sainte messe au centre de notre vie, doivent nous faire souffrir.

Une vue de l'assistance

N’importe quelle expression de reconnaissance envers Jésus-Christ pour ce don inestimable est toujours insuffisante. Comme le rappelle le pape, nous devrions toujours vivre agenouillés « en adoration devant ce mystère : Mystère immense, mystère de miséricorde. Qu'est-ce que Jésus pouvait faire de plus pour nous ? Dans l'Eucharistie, il nous montre vraiment un amour qui va « jusqu'au bout » (cf. Jn 13, 1), un amour qui ne connaît pas de mesure » (7).

Précisément pour assurer la présence réelle et actuelle du sacrifice de la Croix dans le monde jusqu’à la fin des temps, Jésus-Christ a institué le sacrement de l’Ordre. Grâce à ce sacrement, le Seigneur choisit, consacre et envoie quelques hommes pour qu’ils le représentent visiblement auprès des autres. Quand ils prêchent la parole de Dieu ou administrent les sacrements, les prêtres agissent in persona Christi. Ces mots, comme écrit le saint-père, veulent « dire davantage que « au nom » ou « à la place » du Christ. In persona : c'est-à-dire dans l'identification spécifique, sacramentelle, au « grand prêtre de l'Alliance éternelle » qui est l'auteur et le sujet principal de son propre sacrifice, dans lequel il ne peut vraiment être remplacé par personne » (8).

Les prêtres sont des instruments vivants de la très sainte humanité du Seigneur ; c’est lui qui depuis le ciel agit à travers eux, d’une façon très spéciale dans la messe et la confession. Saint Josémaria aimait considérer cette réalité. Voici une de ses réflexions. Il disait : « Quand j’arrive à l’autel, la première chose à laquelle je pense est : Josémaria, tu n’es pas Josémaria (…) : tu es le Christ. Tous les prêtres, nous sommes le Christ. Je prête au Seigneur ma voix, mes mains, mon corps, mon âme : je lui donne tout. C’est lui qui dit : ceci est mon corps, ceci est mon sang ; c’est lui qui consacre. Sinon, je ne pourrais pas le faire. Là se renouvelle de façon non sanglante le divin sacrifice du Calvaire. Ainsi, je suis là in persona Christi, agissant comme le Christ. Le prêtre disparaît comme personne concrète. » (9)

Je m’adresse maintenant à vous, mes fils diacres. Dans les réunions que nous avons eues pendant les mois de préparation au sacerdoce, je vous ai parlé de notre Père comme modèle d’existence pleinement sacerdotale. Vous connaissez beaucoup de détails de sa vie, qui doivent vous servir à graver en lettres de feu dans vos âmes son exemple fascinant de conduite sacerdotale et pour vous convertir en instruments très fidèles du Seigneur dans l’œuvre de la sanctification des âmes.

Maintenant, je désire vous rappeler un de ces traits tellement significatifs, étroitement unis à la représentation visible du Christ prêtre, maître et pasteur, qu’il vous confie comme mission. Je fais référence à la nécessité qu’à tout moment vous soyez un portrait vivant du Seigneur, de telle manière que les fidèles — en vous regardant, en écoutant vos exhortations, en contemplant votre comportement — découvrent le visage saint et miséricordieux du Rédempteur.

Les nouveaux prêtres

Je vous le répète avec des mots de saint Josémaria : « ce que l'on demande au prêtre, c'est d'apprendre à ne pas faire obstacle à la présence du Christ en lui, surtout quand il réalise le sacrifice du Corps et du Sang du Christ et quand, au nom de Dieu, il pardonne les péchés dans la confession sacramentelle auriculaire et secrète. L'administration de ces deux sacrements est si importante dans la mission du prêtre que tout le reste doit tourner autour. » (10). L’objectif est élevé, mais non inaccessible, parce que le Seigneur vous octroie sa grâce abondamment. Cette assurance vous apportera toujours une paix inaltérable. Méditez l’enseignement de saint Grégoire de Nysse à propos du prêtre : « Hier et avant-hier, il était un du peuple ; soudain, il apparaît comme guide, précepteur, maître de piété, ministre des mystères sacrés. Tout cela il l’accomplit sans que n’ait changé en rien l’aspect corporel ou l’être extérieur. Apparemment, il continue d’être ce qu’il était ; mais par une force invisible, par une grâce particulière, son âme a subi un changement en mieux. » (11) Vous, de plus, vous comptez sur une profonde préparation scientifique et spirituelle, et ce qui est le plus important, sur la prière de milliers de personnes.

Il est pour nous spontané de prier le Bon Pasteur pour qu’il envoie à l'Église beaucoup de prêtres saints. Prions en premier lieu pour le saint-père, qui avec tant de générosité se dépense au service de l'Église et de toute l’humanité ; pour le cardinal vicaire de Rome, pour les évêques et les autres ministres sacrés. Et vous, parents des nouveaux prêtres, soyez reconnaissants au Seigneur pour l’affection avec laquelle il a distingué votre famille : faites en sorte de correspondre à tant de prédilection en renouvelant votre vie de chrétiens. Mes vœux les plus cordiaux à tous.

La Vierge a été associée de façon unique au sacrifice de la Croix. Au Calvaire, en la personne de saint Jean, elle a reçu la mission d’être mère de chacun des disciples de son fils, et de manière très spéciale, des prêtres. « Durant toute sa vie au côté du Christ et non seulement au Calvaire, Marie a fait sienne la dimension sacrificielle de l'Eucharistie. » (12) Si nous l’aimons avec une piété filiale, si nous prions bien le chapelet, en contemplant les mystères, spécialement en cette année consacrée à cette dévotion mariale, nous entrerons, comme le signale le saint-père, à l’école de Marie, femme « eucharistique » (13), et nous progresserons davantage dans l’amour de Dieu et des autres pour Dieu. Amen.

Prière d’entrée de la messe de l’Ascension.

2 Première lecture de la messe de l’Ascension (Ac 1, 11).

3 Lc 24, 52.

4 Concile Vatican II, constitution Sacrosanctum Concilium, 7.

5 Idem.

6 Jean-Paul II, Lettre encyclique Ecclesia de Eucharistia, 11.

7 Jean-Paul II, Lettre encyclique Ecclesia de Eucharistia, 11.

8 Jean-Paul II, Lettre apostolique Dominicæ Cenæ, 8.

9 Saint Josémaria, notes prises de la prédication orale, 10 mai 1974.

10 Saint Josémaria, Homélie Prêtre pour l’éternité, 13 mai 1973.

11 Saint Grégoire de Nysse, Homélie sur le baptême du Christ.

12 Jean-Paul II, Lettre encyclique Ecclesia de Eucharistia, 56.

13 Cf. Idem, chap. VI.