Un Professeur d'Université Israelien juge "Da Vinci Code"

Da Vinci Code est un roman à suspens dont l’essentiel de l’intrigue consiste à percer un code. Mais, si le début est prometteur, tout ce qui suit concernant le code est assez décevant, écrit Aviad Kleinberg, professeur à l’Université de Tel-Aviv, dans le "Haaretz Daily de Jérusalem" .

Le roman passe rapidement d’un cliché à un autre, est rempli d’éléments logiques et psychologiques peu probables et culmine dans un dénouement à l’eau de rose (...).

Il semble que le succès du livre ne soit dû ni à la complexité des énigmes, ni à sa piètre qualité littéraire. Ce qui passionne nombre de lecteurs, c’est la prétendue révélation et l’interprétation audacieuse de matériaux authentiques de l’histoire de la chrétienté et de la religion chrétienne. Da Vinci Code se propose de mettre à jour une conspiration et de montrer sur quoi elle se fonde. Bien sûr, l’auteur ne nie pas que son livre soit un roman. Mais il affirme que celui-ci se base sur un matériau authentique qui soulève quelques questions.”

En effet, cette affaire de Jésus épousant Marie-Madeleine n’est pas très crédible, même si, en ayant recours à ce subterfuge historique, Dan Brown prétend caresser une partie de son public dans le sens du poil pour insinuer que l’Église a depuis toujours refoulé la féminité.

“Qu’il y a-t-il de vrai dans cette histoire?”, demande le journaliste israélien. “Quasiment rien. Les principales affirmations de Brown sont tirées d’une suite d’inventions concoctées en France dans les années trente et quarante par un groupes d’adeptes de doctrines ésotériques, des gauchistes, des antisémites et des partisans de Pétain.

Plus tard, ces absurdités ont acquis une certaine publicité et elles ont circulé dans de nombreux livres, dont le plus connu est Sang sacré, Graal sacré, publié dans les années quatre-vingt, et qui eut un très vif succès. Toutes ces inventions (sur le Prieuré de Sion et la prétendue liste de ces responsables) furent démasquées il y a pas mal de temps, y compris les dossiers secrets que Brown mentionne comme d’authentiques documents de la Bibliothèque Nationale de Paris. La bibliothèque nationale de Paris, tout comme la bibliothèque Universitaire et Nationale Juive à Jérusalem et la Bibliothèque du Congrès, contient ces documents-là. Elle n’est pas responsable de leur contenu et de leur qualité. (...) La théologie catholique est allée très loin et avec audace dans la voie du culte de la Mère, la mère de Dieu. L’Eglise n’était pas affranchie des préjugés courants à cette époque. Les femmes étaient pécheresses et insensées, mais sur le plan spirituel, l’Eglise a montré un vrai respect envers les femmes. Il y eut et il y a beaucoup de saintes et de mystiques parmi les femmes, qui ont suscité et suscitent encore respect et vénération. Les autorités ecclésiastiques n’ont jamais dit que Marie-Madeleine était une prostituée (cette idée a en fait une origine populaire). Elle continue d’être considérée comme une sainte importante et centrale qui obligeamment a laissé la primauté à une figure plus importante qu’elle.”

À l’appui de ses critiques, Aviad Kleinberg rappelle notamment

1. qu’”à l’époque de Constantin, le christianisme n’était pas une religion en expansion, mais une secte persécutée dont l’existence même était en danger” et qu’” concile de Nicée, il ne fut pas décidé que Jésus était de nature divine — ce fait est déjà suggéré dans le Nouveau Testament et a été accepté par la plupart des chrétiens depuis les débuts du christianisme. Il fut décidé lors de ce concile de rejeter la doctrine arienne selon laquelle le Père avait préséance sur le fils. Les résultats du vote ne furent pas du tout équilibrés comme le prétend Brown mais il se dégagea un forte majorité contre les ariens.”

2. qu’il n’y eut jamais “d’ordre secret appelé Le Prieuré de Sion. L’ordre des Templiers fut créé en 1119 à Jérusalem, c’était un ordre militaire qui n’avait pas de prétention ésotérique ou vraiment spirituelle. Après la conquête de la Terre sainte par les musulmans, cet ordre se consacra à des activités financières. Ce qui suscita la convoitise du roi de France, ce ne fut pas une quelconque doctrine secrète mais plutôt l’énorme richesse de l’ordre. Les confessions extorquées aux Templiers dans le premier procès organisé à l’avance dans l’histoire (une production plus française que papale), ont été abominables — sodomies, conversions à l’islam, sorcellerie, et culte rendu à Satan. Rien n’a été dit d’un quelconque culte à la mère, divine ou non. (...) Il n’y a aucune preuve d’aucune sorte que l’ordre ait continué à exister.”

3. que “Mona Lisa” n’est pas un autoportrait. Il s’agit d’une femme qui a existé, l’épouse de Francesco Da Giocondo. (...) Dans le tableau de la Dernière Cène (...) la figure à la droite du Christ est Jean, le disciple bien aimé. Il est toujours représenté comme un beau jeune homme aux cheveux longs. Il ne s’agit pas d’une femme et il est difficile de croire que les Dominicains pour qui le tableau fut réalisé et les milliers de clercs qui l’ont vu, eussent accepté que l’on dérogeât de manière aussi scandaleuse à la tradition normative.

4. que “l’affirmation selon laquelle les descendants de Jésus entrèrent par le mariage dans la dynastie royale des Mérovingiens est basée sur un personnage appelé Giselle de Razes qui aurait épousé le roi Dagobert II au 7e siècle. Giselle de Razes n’a jamais existé, mais fut inventée au 20e siècle.”

Ceci, conclut Aviad Kleinberg, “n’est qu’un échantillon des inepties qui apparaissent dans ce livre. Tout cela n’a pas empêché Da Vinci Code de devenir un énorme succès de librairie aux Etats-Unis. Pourquoi? Dieu seul (ou la déesse) le sait”.

Haaretz Daily de Jérusalem