Trois années avec le Da Vinci Code

Comment le Service de Communication de l’Opus Dei a-t-il réagi face au « Da Vinci Code » ? La réponse se trouve dans cette allocution, prononcée lors d’une conférence pour professionnels de l’information, qui donne le plan de communication depuis trois ans.

INTRODUCTION

Au service de presse de l'Opus Dei à New York, nous avons eu connaissance pour la première fois du Da Vinci Code quelques semaines seulement avant sa publication, par un article paru dans Publishers Weekly. Brian Finnerty a alerté un collègue sur les prémisses extravagantes du roman : l’Église a toujours caché l’existence de prétendus descendants du Christ et de Marie-Madeleine, et un moine albinos de l'Opus Dei, parcourt le monde pour assassiner ceux qui cherchent le Saint Graal. La réponse de son collègue a été la suivante : « Brian, ne t’en fais pas, tout çà est tellement absurde que personne n’achètera ce livre. »

La prédiction ne s’est pas réalisée. Depuis sa publication par Doubleday, le Da Vinci Code est devenu l’un des romans les plus vendus de tous les temps. Un succès de vente indéniable, malgré une critique littéraire négative.

Le 17 mai le film ouvre le festival de Cannes. Produit et promu par Sony Pictures, il est lancé avec l’un des plus gros budgets de marketing de l’histoire du cinéma : 40 millions de dollars pour le seul marché américain, selon le Wall Street Journal. Sur la couverture de Newsweek ce film a été présenté comme « l’événement » de l’année 2006.

La caractéristique essentielle du Da Vinci Code est sans doute qu’il mêle la réalité et la fiction de manière irresponsable. Le roman commence par une page intitulée « Les faits », qui comporte déjà une affirmation fausse : « toutes les descriptions d’œuvres d’art, d’architecture, de documents, et de rituels secrets sont exacts ». Le christianisme et l’Église catholique sont décrits improprement comme une invention de l’empereur Constantin au IVème siècle. Le roman présente également une caricature grotesque de l'Opus Dei, personnifié par Silas, le moine albinos criminel. Comme l’a écrit Amy Welborn, le Da Vinci Code « n’est qu’un méli-mélo, une salade confuse d’erreurs risibles et de faussetés notables ».

Le phénomène Da Vinci Code pose des questions qui vont au-delà du cas concret, et qu’il serait intéressant de discuter dans ce séminaire. Quelle est la responsabilité de l’industrie du loisir dans la présentation sensible et honnête des différents groupes religieux, ethniques et sociaux ? Comment celui qui se sent offensé peut-il répondre ? comment peut-il défendre ses droits légitimes, dans le respect de la liberté d’expression et de la liberté du marché ?

Les catholiques et les autres chrétiens ont manifesté leurs préoccupations à propos du roman de nombreuses manières. À titre d’exemple :

• Le lancement du site Jesus decoded, promu par la Conférence des évêques catholiques des États-Unis, avec un documentaire du même nom. D’autres conférences épiscopales ont également diffusé des réponses claires au livre. Par exemple, celles du Mexique, de Pologne et du Brésil.

• Un groupe de catholiques des États-Unis a créé une initiative appelée « Da Vinci Outreach » (www.davincioutreach.com) qui est à son tour à la base deThe Da Vinci Deception, un ouvrage fait de questions-réponses concis mais excellent.

• Le Da Vinci Code a donné également lieu à la publication d’autres livres sérieux commeDe-coding Da Vinci, (Décoder le Da Vinci Code) d’Amy Welborn, ou The Da Vinci Hoax (La mystification Da Vinci Code) de Carl Olson. De même des documentaires comme, par exemple, Solving 2000 Years Old Mystery. (La solution de 2000 ans d’un très vieux mystère) de Grizzly Adams Production. Nombreux sont les livres et les essais publiés dans d’autres pays.

Le moment venu, il sera intéressant d’étudier toutes ces réponses, également du point de vue de la communication. Dans ce papier, nous résumerons seulement le travail des Bureaux d’information de l'Opus Dei, surtout à Rome et à New York.

PLAN DE COMMUNICATION Chronologie 1. Le roman

Je dois dire que, au début de 2003, nous avons eu entre les mains le roman déjà publié, sans avoir jamais entendu parler d’un romancier nommé Dan Brown. Dans un premier temps, notre attitude fut d’ignorer le livre dans la mesure du possible : de répondre aux questions qui nous seraient posées, en évitant une réaction excessive qui aurait pu provoquer une attention accrue de la part de l’opinion publique.

En septembre 2003, après que nous ayons reçu de nombreuses demandes d’information, nos avons publié sur le site web www.opusdei.org une déclaration qui soulignait que le Da Vinci Code était une œuvre de fiction, non une source fiable. Du matériel d’information a ensuite été placé sur ce site, afin de répondre aux nombreuses demandes qui nous parvenaient.

2. Le film

Le film était un événement prévisible, dès qu’on a su que Sony Pictures avait acheté les droits du roman. C’est pourquoi nous avons pu être proactifs, sans attendre passivement, mais en prenant l’initiative. Dans cette étape on peut distinguer deux phases :

• Phase A (années 2004-2005) : dans ce laps de temps on a évité toute polémique, car il est bien connu qu’à Hollywood les controverses engendrent des recettes. Un dialogue direct a été tenté avec l’entreprise, par le moyen de trois lettres : dans la première, le vicaire de l'Opus Dei aux États-Unis, Father Thomas Bohlin, regrettait la manière dont l’Église était traitée, demandait que l’on n’utilise pas le nom de l'Opus Dei, et demandait un entretien au président du département cinéma de la Compagnie, Amy Pascal. Plus tard, en cette même année 2004, Mademoiselle Pascal a répondu par une lettre aimable, mais vague. Jamais on n’a pu établir de contact avec elle, ni avec personne qui fût concerné par le film. Sony ne répondit jamais à nos demandes d’information. C’est seulement par les journaux que nous avons su qu’il comptait continuer de donner cette représentation fausse et injuste de l’Église catholique et de l'Opus Dei.

• Phase B (2006) : Cette phase, dans laquelle nous nous trouvons, a commencé le 26 décembre 2005, avec une déclaration de Ron Howard à Newsweek, dans laquelle il affirmait la complète fidélité du film au livre et disait expressément que l'Opus Dei apparaîtrait dans le film. Cette nouvelle nous a incités à changer de scénario. Dès lors, il était nécessaire de présenter notre point de vue à l’opinion publique. C’est pourquoi les responsables de communication de New York, Londres, Paris, Madrid, Cologne, Lagos et Montréal se sont réunis à Rome. Dans cette réunion de nombreuses suggestions reçues, provenant entre autres de professionnels de la communication, de journalistes et d’autres collègues, ont été étudiées. Une fois approuvé, le plan de communication devait être coordonné par le Département de communication de Rome. Nous pouvons confirmer ce qu’a écrit Time, à savoir que c’est dans cette réunion que le dicton américain « faire de la limonade avec du citron » a été cité.

On décrira maintenant les éléments essentiels de ce plan.

Diagnostic

1. Pendant la réunion de Rome, quelques caractéristiques de ce cas ont été identifiés, du point de vue de la communication.

a) Le roman et le film affectent d’abord les chrétiens, et plus spécifiquement les catholiques, et de façon secondaire l'Opus Dei.

b) Le roman et le film sont négatifs pour le christianisme. En ce sens on peut considérer ce cas comme celui d’une communication de crise (bien qu’il s’agisse d’un type particulier de crise).

c) Le roman et le film sont de phénomènes de communication, relevant du domaine de la fiction, avec une forte dimension de marketing.

d) Au moment du diagnostic, le roman et le film étaient déjà des phénomènes de portée mondiale, et pas seulement américaine.

2. Le plan de travail devait donc tenir compte de ces caractéristiques : une réponse professionnelle, de nature communicante, de portée globale, au contenu chrétien, envisagé de façon positive, susceptible de neutraliser les effets négatifs. Des trois possibilités (la voie du silence, celle de la voie judiciaire, la voie de la communication), c’est la troisième qui a été choisie. La réponse devait être toujours de bon ton et aimable. Le style et le langage n’étaient pas des questions secondaires.

Les objectifs

Les deux principaux objectifs du plan étaient :

1. Saisir l’opportunité pour informer largement sur la réalité du Christ et de l’Église, et dans ce contexte, de l'Opus Dei : faire de la limonade avec du citron veut dire profiter de ce « moment d’exposition » pour susciter l’accès à des sources fiables, et la lecture de l’Évangile. Il fallait en même temps faire un effort d’information pour montrer que l'Opus Dei « réel » n’a rien à voir avec celui que présente le roman. Ni moines ni assassins, ni masochisme, ni misogynie, mais des catholiques normaux, avec leurs vertus et leurs défauts, comme tout le monde, qui s’efforcent de « vivre l’Évangile dans le monde », pour reprendre les mots de Jean-Paul II.

2. Demander respectueusement à Sony que, par une décision libre de sa part, non en vertu de pressions ou de menaces, il évite d’offenser les chrétiens. Leur dire publiquement ce qu’il n’avait pas été possible de leur dire en privé. Rappeler que l’on peut défendre à la fois la liberté d’expression et le respect. Personne ne prétendait évoquer une quelconque censure ni proférer de menaces. Nous souhaitions plutôt faire remarquer que Sony avait là une occasion de contribuer à la concorde, par un geste de respect des croyances religieuses.

Les moyens

Comment avons-nous prétendu atteindre ces objectifs ? Comment avons-nous travaillé pour faire part de notre point de vue ?

1. En premier lieu, nous nous sommes efforcés de promouvoir une réponse anticipée. Au lieu d’éluder la crise, nous avons voulu la prévenir. En ce sens les déclarations officielles de notre Bureau d’information ont attiré les médias du monde entier. Les plus significatives ont été les trois suivantes

a) 12 janvier 2006 : interview de Marc Carroggio à l’agence internationale « Zenit ». Ce fut notre première réponse à la déclaration de Rron Howard publiée dans Newsweek le 26 décembre 2005, où il était affirmé que le film allait être totalement fidèle au livre. L’interview à « Zenit » abordait les messages clé : le caractère offensif de cette intrigue pour les chrétiens, l’importance du respect des croyances, la demande respectueuse d’un geste de concorde. De nombreuses agences de presse (suivies par de nombreux autres médias) ont reproduit des extraits de cette interview. Le New York Times en a tenu compte dans son article du 7 février 2006.

b) 14 février 2006 : le communiqué en date de ce jour diffusé par le Bureau d’information de Rome a eu peut-être davantage d’écho. Cette déclaration répondait à de nombreuses questions que nous recevions à ce moment-là sur notre attitude vis-à-vis du Da Vinci Code. Il a été diffusé quand nous avons su, par un article publié le 9 février par le New York Times, que Sony avait décidé d’ouvrir un site web, contrôlé par l’entreprise, sur lequel des opinions négatives sur le film pourraient s’exprimer. Le communiqué rappelait que, quand on a le temps devant soi, il ne suffit pas de donner à celui qui est offensé l’occasion de se défendre, mais qu’il faut éviter l’offense elle-même. Et il était dit aussi que le Bureau préférait communiquer directement, sans intermédiaires.

c) 6 avril 2006 : le Bureau d’information de l'Opus Dei à Tokyo adresse une lettre ouverte aux actionnaires, directeurs et salariés de Sony. Le Bureau se propose d’informer sur la réalité de l'Opus Dei et demande à Sony de bien vouloir prévoir un écriteau au début du film (« disclaimer » ou dénégation), précisant qu’il s’agit dans le film d’une œuvre de fiction et que toute ressemblance avec la réalité est une pure coïncidence. Ce geste, affirmait la lettre, « serait une manifestation de respect de la figure de Jésus, de l’histoire de l’Église et des convictions religieuses des spectateurs ». Une semaine plus tard, la lettre a été attachée au site japonais de l'Opus Dei et, à partir de là, elle a été reprise par les agences de presse mondiales.

L’idée de cette « réponse anticipée » était que, au moment où le film serait présenté, tout le monde puisse y voir une « comédie des erreurs », comme l’aurait dit Shakespeare, pour ce qui y était dit du christianisme. Signaler les erreurs, parfois grotesques, sans manquer de respect pour l’auteur, le metteur en scène, les acteurs et les producteurs. Les déclarations publiques montraient qu’il y avait bien un problème qui se posait, ce qui leur frayait une place dans les nouvelles.

d) Un second objectif a été de traiter les médias comme des alliés, de donner la priorité à la demande et d’amorcer un débat public global. Le lancement d’un film est normalement précédé par une campagne de marketing. Dans ce cas elle prenait des proportions gigantesques. L’entreprise productrice communique à travers la publicité classique, sous forme d’affiches et de spots télévisés. Les nouvelles formes de marketing utilisent les portables et internet. Des sommes considérables sont en jeu, à tel point qu’il est impensable d’y répondre par les mêmes moyens. Le Bureau d’information a décidé de répondre au marketing par l’information : à contrer les messages édulcorés de la publicité, censés occulter le caractère offensif du film, par des conversations ouvertes avec les journalistes : à répondre avec imagination à l’investissement financier qui était consenti.

Donner la priorité à la demande équivaut à s’efforcer de répondre à toutes les demandes des journalistes. Cette décision a été facile à prendre, car c’était la façon habituelle de travailler de nos Bureaux d’information. Mais l’augmentation du nombre de demandes a été très forte, tout comme la portée de l’audience de ces médias : New York Times, Associated Press, Time,Chicago Tribune ; chaînes de TV comme « Channel 4 » (UK) ou « History Channel » ; programmes « Good morning America », ou « Today Show » ; correspondants de pays très différents. Lorsque nous avons quitté New York pour venir à ce séminaire à Rome, nous étions en train de gérer 40 demandes, nombre d’entre elles provenant de chaînes de télévision. Il a fallu renforcer les Bureaux de New York et de Rome, mais en général nous avons travaillé avec les moyens ordinaires, naturellement avec plus d’intensité.

3. Un autre moyen important auquel nous avons eu recours pendant cette période a été de pouvoir disposer d’une information abondante pour montrer l'Opus Dei réel. Concrètement nous nous sommes efforcés :

a) de mettre en avant davantage de « nouvelles ». Outre les trois déclarations déjà mentionnées, nous nous sommes efforcés, au cours de ces derniers mois, d’insister sur la diffusion de nouvelles susceptibles d’aider à présenter l’Église et l'Opus Dei réels. Il nous semblait que c’était là un service à rendre à ceux qui préparaient une narration ou un reportage sur l’Église et sur l’Opus Dei « au moment du Da Vinci Code ».

Nous nous sommes efforcés de donner une visibilité à quelques initiatives qui auraient pu passer inaperçues à d’autres moments, mais qui, maintenant, alors que tout le monde présente des descriptions de « l'Opus Dei réel », apparaissent comme plus attractives. Par exemple « Harambee 2002 », une initiative sociale qui a débuté au moment de la canonisation de saint Josémaria Escriva, pour promouvoir des projets sanitaires et éducatifs en Afrique sub-saharienne (https://www.harambee2002.org). À côté de cela, de nombreuses activités plus ou moins courantes sont devenues des « nouvelles » pendant cette période : le remodelage de la page web officielle, l’apparition d’un blog de Fr. John Wauck sur l'Opus Dei et le Da Vinci Code (www. davincicode-opusdei.com), la présentation à New York le la nouvelle édition deThe Way (Chemin), un ensemble de points de méditation sur la vie chrétienne écrits par saint Josémaria Escriva en 1934, que l’éditeur Doubleday va distribuer dans toutes les librairies des États-Unis. Une autre nouvelle notable concernant le documentaire produit par le Saint Josémaria Institute et The Cresta Group (Chicago) sous le titre « Passionately Loving the World ». Ce programme de 28 minutes montre des personnes de différents endroits des États-Unis dont les vies ont été transformées grâce à l’esprit de saint Josémaria Escriva : un pompier de Los Angeles, un étudiant, un chef d’entreprise et une famille de fermiers, entre autres. Après la présentation du documentaire à New York, des centaines de nouvelles sont parues dans les médias américains, parlant de « l'autre film ». Ce vidéo est devenu une « nouvelle », et des extraits significatifs ont été diffusés sur ABC, CNN et sur d’autres chaînes américaines.

b) Proposer des contacts, des gens disponibles, des visages. Dans ces moments d’intense demande d’information, nous considérons comme très important le fait que des journalistes aient pu parler avec des centaines de personnes. Le « media system » requiert toujours une voix autorisée. Durant cette période, on a pu compter sur la pleine disponibilité de sources institutionnelles (les autorités de la Prélature) et sur d’autres personnes (étudiants, professionnels, fidèles de l'Opus Dei et amis), qui ont raconté « leur histoire ». En outre, à travers le site web, on a ouvert la possibilité d’organiser des présentations dans des paroisses, des associations, des clubs de jeunes, etc. On peut en effet y lire la phrase suivante : « Vous avez besoin de quelqu’un pour parler de l'Opus Dei sous forme de conversation ou sous une autre forme sur le Da Vinci Code ? Contactez press@opusdei. org ».

c) Découvrir des histoires. Chaque nouvelle a son récit propre. En ce sens les journalistes ont besoin de petites histoires qui puissent s’inscrire dans leur narration. En travaillent ensemble, beaucoup de petites histoires nous sont venues à l’esprit, qui ont été utiles aux professionnels des médias.

Deux exemples :

Quand les médias ont commencé à montrer un intérêt croissant pour l'Opus Dei, nous nous sommes rendus compte qu’il y avait réellement une personne de l'Opus Dei qui s’appelait Silas. Le vrai Silas, Silas Agbim, n’est pas un moine albinos assassin, mais un broker né au Biafra (Nigeria), qui vit à Brooklyn avec sa femme, Ngozi. Une photo du vrai Silas est parue dans le New York Times du 7 février, et depuis lors il a été interviewé par bien d’autres moyens de communication : « Time », CNN, CBS, ABC, plusieurs organes d’information d’autres pays, etc. Un autre exemple : le 12 février, nous avons installé à la porte de Murray Hill Place, à Manhattan, un petit présentoir contenant des brochures d’information, avec un écriteau qui disait : « Pour les fans du Da Vinci Code : si vous êtes intéressé par l'Opus Dei « réel », prenez-en un. Le présentoir, qui a coûté dix dollars, a été reproduit dans plus de 100 journaux et a été filmé par des équipes de cinéma et de télévision du monde entier : un accessoire d’information bon marché…

L’immeuble de Murray Hill lui-même, dont le roman fait à tort « le quartier général international de l'Opus Dei », est devenu un passage obligé de bien des reportages, et qui sert aux journalistes pour plaisanter, en disant par exemple qu’ils n’y ont pas trouvé la chambre de tortures décrite le dans le livre. Des douzaines de professionnels ont pu visiter Murray Hill, qui est un complexe multifonctionnel situé à Manhattan, au croisement de Lexington Avenue et de la 34éme rue. On y trouve les bureaux du vicaire de l'Opus Dei aux États-Unis, un centre de rencontres avec une capacité de trente personnes, un centre où ont lieu des activités pour étudiants et pour jeunes professionnels (Schuyler Hall) et une zone équipée pour des personnes qui administrent le complexe résidentiel. Chaque année, 10.000 personnes participent à différentes activités (retraites, cours de doctrine catholique, causeries spirituelles, conférences éducatives et culturelles). « La Stampa », l’un de grands quotidiens italiens, a illustré cette politique d’ouverture de Murray Hill en titrant : « Opus Dei : Opération Transparence ».

d) Site web et autres moyens d’information. Le site officiel www.opusdei.org s’est révélé un très bon instrument pendant cette période. Le site est global, tout comme le phénomène Da Vinci Code. On y trouve des réponses extensives et détaillées en 22 langues. Pendant l’année 2005, la section américaine a reçu plus d’un million de visiteurs différents (ce qui n’est pas la même chose que les visites) et l’ensemble du site, plus de trois millions. Le jour où nous nous nous sommes rendus de New York à Rome, pour venir à ce séminaire, 156 messages nous étaient parvenus à 9h du matin. Nous avons eu un effet inattendu, lorsqu’Umberto Eco a recommandé le site officiel de l'Opus Dei. Fatigué des questions qu’il recevait continuellement sur la véracité du Da Vinci Code, Eco a dit à ses lecteurs : « Pour le reste, si vous voulez une information actualisée sur ces sujets, allez à la page web de l'Opus Dei. Même si vous êtes athée, vous pouvez vous y fier.»

4. Pour terminer ce développement sur les moyens mis en œuvre, nous devons préciser un dernier point : nous avons toujours voulu rester fidèles à un style courtois et respectueux. Même si cela peut paraître évident, nous avions clair à l’esprit que, si nous voulions obtenir le respect, nous devions le faire avec respect. Ceci impliquait de ne jamais avoir recours à un langage agressif, ni à aucune attaque ou menace, de ne jamais juger des intentions des autres. Nous avons toujours cherché à agir dans les limites imposées par la liberté, la responsabilité, le dialogue. Un ami nous a conseillé : « Ne perdez jamais le sens de l’humour, en particulier avec les films et le « monde flottant » de la diversion. Votre bonne éducation et votre bonne humeur sont votre meilleure défense ».

Le blog ouvert par John Wauck prétend offrir des contenus sérieux et de qualité, dans un style aimable, sur le roman et le film. Contrer un roman et un film, c’est comme lutter contre la fumée. Si l’on enfile ses gants de boxe, on risque d’être un peu ridicule. La bonne humeur, en revanche, est payante.

Bilan provisoire

Ce n’est que quand le film sera présenté que l’on pourra établir un bilan complet. Aujourd’hui nous pouvons déjà mentionner trois résultats positifs de notre effort de communication :

1. Collaboration ecclésiale. Un climat de coopération s’est instauré entre de nombreuses institutions ecclésiales, afin de contribuer à faire connaître, tous ensemble, l’Église et la personne de Jésus-Christ. Nous parviennent aussi des nouvelles de personnes qui se sont approchées de l’Église grâce aux réponses qu’a provoquées le Da Vinci Code. La collaboration s’est étendue en outre à de nombreux autres chrétiens.

2. Collaboration avec des journalistes. La couverture par les médias pendant le premier trimestre 2006 a été très large. Alors que l’entreprise productrice a investi des sommes colossales pour « vendre son film », les catholiques, eux, ont cherché à « raconter leur histoire », et à proposer de l’information aux journalistes.

3. La réponse est venue. L’action d’anticipation a créé une conscience générale croissante que le Da Vinci Code est erroné et injuste, dans sa représentation du christianisme, de l’Église catholique, de l'Opus Dei et de l’histoire. L’opinion publique remet le Da Vinci Code « à sa place », celle du produit le plus récent d’une sorte de « pseudo-culture populaire », sans connexion avec la réalité.

L’historienne Sandra Miesel prétend que le livre contient tant d’erreurs que, selon elle, « je suis surprise quand je trouve dans le Da Vinci Code quelque chose d’exact ».

Compte tenu de cette vague de protestations, l’auteur du livre a dû procéder à quatre révisions successives de la page « Fact » (les faits du Da Vinci Code) de son site web. On peut lire sur le site de Dan Brown les déclarations suivantes qui répondent toutes à la même question : dans quelle mesure le roman est-il fondé sur des faits réels ? :

- 28. 8. 2003 : « Totalement. Toutes les œuvres d’art, tous les lieux, tous les documents historiques et toutes les organisations décrites dans le roman existent bien… ».

- 17. 1. 2004 : « Toutes les œuvres d’art, tous les lieux, tous les documents historiques et toutes les organisations décrites dans le roman existent bien… ».

- 11. 5. 2004 : « Da Vinci Code est un roman, c’est-à-dire une œuvre de fiction. Même si les personnages du livre et leurs faits et gestes ne sont pas réels, bien entendu, les œuvres d’art, les lieux, les documents… »

Actuellement (30. 1. 2006) : Da Vinci Code est un ROMAN, c’est-à-dire une œuvre de fiction.

Ce bilan provisoire ne peut éluder une question fondamentale : le film sera-t-il offensant ? Au moment où nous sommes il n’ a pas été possible d’établir une communication personnelle et directe avec Sony Pictures. En ce sens l’action de communication devrait être considérée, pour l’instant du moins, comme un « échec provisoire ». Nous ne savons pas si l’instance amicale de tant de chrétiens aura eu un impact quelconque sur les dirigeants de cette prestigieuse société et sur l’équipe de professionnels qui a réalisé le film.

CONCLUSIONS

Le Da Vinci Code nous a causé beaucoup de tracas que nous aurions certes souhaité nous épargner. Mais nous devons reconnaître que notre décision de communiquer de façon ouverte et positive notre point de vue, de manière proactive, nous a donné une magnifique occasion de parler de la foi chrétienne, de l’Église catholique et de cette petite partie de l’Église catholique qu’est l'Opus Dei. C’est pourquoi nous souhaiterions résumer ainsi nos conclusions, sous la forme d’une leçon et d’un souhait que nous nous risquerons à formuler ainsi :

1. Une leçon : le soin qu’il faut apporter aux initiatives de communication, du point de vue de leur contenu (what to communicate) et de la manière de faire (how to communicate). Nous avons constaté l’efficacité de ce que nous pourrions appeler la stratégie des trois « p » : positive,professional,polite. C’est en adoptant cette position qu’il est possible d’être écouté et entendu, en particulier par les médias, qui, dans ce type de situation, ne sont pas des adversaires, parce qu’ils comprennent qu’en l’occurrence l'Église n’est pas une menace mais une victime. Les stratégies adéquates — positive,professional,polite — aident à sortir de la dynamique stérile de l’affrontement. Des mots du Prélat de l'Opus Dei dans le « Figaro Magazine » résument cette leçon : « L’ignorance est toujours un grand mal, et l’information un bien. La communication n’est pas un jeu et elle ne souffre pas l’amateurisme. On apprend avec le temps à mieux se faire connaître et aussi à mieux se comprendre soi-même. Il faut un peu de patience, dans ce domaine aussi » (21. 4..06). La patience pourrait être le quatrième « p ».

2. Un souhait : que les puissants soient plus respectueux, qu’ils se décident en toute liberté à améliorer leur stratégie et les rendent plus ouvertes, moins arrogantes, en reconnaissant que le respect ne porte pas préjudice aux affaires et ne rabaisse pas l’art. Les puissants, dans nos société développées, sont, bien souvent, les grandes entreprises de communication. Plus on a de pouvoir, plus on a de responsabilité et, dans le domaine de la communication, on ne saurait faire du bénéfice un absolu au détriment du travail des créateurs ou des journalistes, ni au détriment des lecteurs et des spectateurs, particulièrement des jeunes. Un écrivain africain, Margaret Ogola, décrit la maturité comme la capacité de se rendre compte que nous pouvons offenser les autres, et d’agir en conséquence. Les chrétiens invoquent la liberté en présentant leurs demandes, sans se laisser aller à proférer des menaces. Ils ne fonctionnent pas avec des préjugés et ne mettent pas d’étiquettes aux autres : ils sont disposés en revanche à applaudir sincèrement la maturité des politiques, des entreprises, des artistes qui décident de travailler pour une société plus libre et plus respectueuse.

Marc Carroggio, Directeur du Bureau d’information de l’Opus Dei à Rome// Brian Finnerty, Directeur du Bureau d’information de l’Opus Dei à New York // Juan Manuel Mora, Département Communication de l'Opus Dei