Série de hasards

Nous publions l’histoire de Cecilia Awano Kim à l’occasion de l’anniversaire du 14 février 1930. En ce jour, Dieu fit voir à Saint Josémaria qu’il devait commencer le travail de l’Opus Dei avec les femmes.

Cecilia Kim Awano, Coréenne, vit au Japon depuis quelques années

Nous publions l’histoire de Cecilia Awano Kim à l’occasion de l’anniversaire du 14 février 1930. En ce jour, Dieu fit voir à Saint Josémaria qu’il devait commencer le travail de l’Opus Dei avec les femmes.

Coréenne, je vis à Kyoto depuis mon mariage. J’ai trois enfants. Hikaru (lumière, en japonais), mon aînée, a quatre ans. Anne-Marie est son prénom chrétien. Kaoru, parfum, est mon deuxième. À son baptême, il s’appela Josémaria. Marie-Thérèse, ma troisième s’appelle Michiru, abondance. Ce ne sont pas des prénoms choisis au hasard. Ils sont étroitement liés à ma vie qui n’a été, apparemment, qu’un ensemble de hasards. De hasards ?

Je suis née à Pusan, au sud-est de la Corée, où les chrétiens sont très peu nombreux : il y en a quatorze millions pour une population de cinquante millions d’habitants. Les deux tiers de ces quatorze millions appartiennent à des confessions chrétiennes diverses. Le tiers restant est fait de catholiques. Une église vivante avec de nombreuses conversions.

Petite histoire de la Corée

Ma famille est chrétienne depuis deux générations: depuis que l’Église connut sa première période de paix puisque le catholicisme en Corée est encore tout jeune.

En 1780, plusieurs jeunes intellectuels coréens, fils de nobles et de hauts dignitaires, intéressés par la culture occidentale, ont découvert le christianisme. Au départ, seule la curiosité les motivait, mais cet intérêt superficiel devint vite une foi profonde. En 1784, ayant compris l’importance du baptême, Yi Sûng Hun, l’un d’entre eux, qui devait accompagner son père lors d’une mission diplomatique en Chine, fut prié de se mettre en rapport avec un missionnaire catholique à Pekin qui s’occuperait de son baptême.

Yi ne demeura que quarante jours à Pékin, mais dans ce court laps de temps, après avoir montré qu’il en savait long sur la religion, il arriva à se faire baptiser et fut appelé Pierre.

Ma famille est chrétienne depuis deux générations: depuis que l’Église connut sa première période de paix puisque le catholicisme en Corée est encore tout jeune

Dès qu’il fût rentré en Corée, il baptisa son ami Yi-Byock, qui baptisa à son tour d’autres amis. Voilà quels furent les débuts de l’Église chez moi.

Il s’agit d’un cas unique dans l’histoire puisque nous avons été évangélisés par des laïcs, nés chez nous, où il n’y avait aucun prêtre. Kim Bôm-u, l’un de ses premiers chrétiens, fit don de sa maison qui devint un temple catholique. Mais, un peu plus tard, l’Église grandissant, le gouvernement essaya d’en venir à bout. Les Coréens, disait-il, ne peuvent professer que le confucianisme, religion de l’état. En 1789, Kim Bôm-u fut torturé, exilé et trois ans plus tard, deux autres chrétiens coréens furent martyrisés.

Ceci dit, le nombre de baptisés se multipliait. En 180, lorsque Chòng-ho, la fille de l’Empereur monta sur le trône, il y eut une persécution très sanglante qui fit que beaucoup de chrétiens se réfugient dans les montagnes. Là ils tinrent bon dans leur foi durant trente ans, sans prêtres, tout comme cela s’est passé ici, au Japon, durant des siècles. Cent années de persécution, avec plus de 10.000 martyrs.

Ce fut à la fin du XIXème siècle que l’on accéda à la paix et à la liberté religieuse. C’est à cette époque que mes grands parents maternels se firent baptiser, avec toute leur famille. Mais ce fut une paix éphémère car en 1910, le Japon envahit la Corée et le gouvernement soumit de nouveau l’Église à un régime de surveillance. Ce ne fut qu’en 1945, lors de l’indépendance, à la fin de la guerre, que les chrétiens purent pratiquer librement leur foi.

Ma foi

Tout ceci explique que de nombreux Coréens ne connaissent pas bien leur foi. En effet, obligés à vivre durant des décennies dans la clandestinité et sous la menace, personne ne put les instruire.

Je fus baptisée à la naissance, mais pendant mon enfance et mon adolescence, personne ne me parla de quoi que ce soit, je n’étais jamais allée dans une église, je n’ai pas été catéchisée.

Je tenais depuis mon plus jeune âge à apprendre les langues vivantes: le japonais et l’anglais, entre autres. À 21 ans je suis allée en Angleterre pour parfaire mon anglais et le pratiquer.

J’étais à Londres, lorsqu’un jour j’ai accompagné à l’aéroport une amie japonaise qui rentrait au Japon. Par hasard, il y avait dans la salle d’attente une jeune fille espagnole. Carmen venait dire aurevoir à son amie coréenne qui rentrait chez moi. Nous avons bavardé dans cet entrecroisé de nationalités et d’adieux. En plaisantant, j’ai dit à Carmen :

- Ne t’en fais pas, ton amie s’en va, désormais, je serai ta nouvelle amie coréenne ! Tout en plaisantant, nous avons échangé nos numéros de téléphone et sommes devenues vraiment amies.

Carmen fréquentait Lakefield, un centre de l’Opus Dei à Hampstead. Elle m’y invita et peu de temps après, j’ai commencé à assister à des cours sur la vie chrétienne. On y parlait de Dieu, de la foi, de la vie sacramentelle, de la sanctification du travail.

Lumière, voilà le nom que je donnerais à cette étape de ma vie : Hikaru, comme mon aînée. En effet, grâce à l’Opus Dei, j’ai eu un éclairage sur beaucoup d’aspects de ma vie qui étaient dans l’ombre.

À Lakefield, j’ai réalisé combien Dieu avait pris soin de moi depuis ma naissance. J’ai perçu que malgré mon ignorance, petit à petit, à mon insu, Il m’avait dirigée vers le Bien.

À la fin de mon étude du cathéchisme, je fis ma Première Communion et je fus confirmée. En avril 1997, trois mois avant la fin de ma licence, le Seigneur m’accorda l’un des plus grands dons de ma vie, la vocation à l’Opus Dei dans l’intention de former une famille tôt ou tard.

À la fin de mes études à Londres, je m’installai au Japon, pour y parfaire mon japonais et au bout de quelques années, je revins à Séoul où je me mis à étudier l’espagnol. J’ai une passion pour les langues vivantes. Après un court séjour à Alicante, je revins à Londres.

Le coup de foudre

L’été 2003, j’allais prendre le métro à la station Barbican, pour rentrer chez moi. Un jeune homme japonais cherchait la station la plus proche d’une librairie du centre ville et il ne la trouvait pas. Je la lui ai indiquée, il m’en a remercié, et en nous quittant, il m’a demandé de l’accompagner à la libraire. Il ne connaissait personne à Londres et son anglais n’était pas au point. Je n’ai pas l’habitude d’accepter ce genre d’invitation venant d’un inconnu mais sa façon de se tenir, si correcte et bien élevée me rassura et j’accédai. Tatsuya était très sympathique. Il avait étudié à l’université de Kyoto et vivait en Suède où il préparait son doctorat en Biologie. Arrivés à la libraire, il acheta son livre et lorsque que nous allions prendre congé l’un de l’autre, il me dit :

- Pourquoi ne me donnes-tu pas ton e mail ?

J’ai hésité mais je me suis dit qu’une adresse électronique ne m’engageait à rien, et lui ai répondu : - D’accord.

Je fus très touchée par cette rencontre, elle exhalait un parfum, kaoru en japonais. Nous avons correspondu. Des courriels de l’Angleterre à la Suède qui m’emballaient, j’appréciais ses qualités, et à quoi bon le cacher, je suis tombée amoureuse de lui.

Dans l’un de ses courriels il me raconta qu’il avait rencontré une famille de Polonais catholiques et que l’exemple de leur vie l’avait poussé à s’intéresser au catholicisme. Tatsuya avait fait ses études secondaires dans une école catholique de Kyoto, il avait entendu un peu parler de Jésus-Christ mais sans plus d’intérêt personnel. Et c’est en Suède, me disais-je, où il y a si peu de catholiques – 150.000 pour neuf millions d’habitants— qu’il avait rencontré une famille qui l’était.

Mail après mail, il me disait qu’en percevant la cohérence de ces personnes, il s’était petit à petit attaché au Christ. Il assistait à des cours de catéchisme. Je lui envoyai Chemin en japonais, il fut enchanté.

De ces e-mails nous sommes passés aux coups de fil et très tôt à skype (fort heureusement, autrement nos fiançailles nous auraient coûté les yeux de la tête). Nous avons décidé de nous rencontrer au plus vite. Ce n’était pas si facile que ça, et encore moins à portée de notre bourse, car contrairement à ce que les cartes peuvent suggérer, l’Angleterre et la Suède ne sont pas à la porte d’à côté. Nous nous sommes revus en janvier 2004, six mois après notre rencontre. C’était la deuxième fois que nous étions face à face, en chair et os. Hormis trois heures de Métro et de librairie, toute notre relation avait été exclusivement « cybernétique ».

Nous nous sommes mariés un 26 juin, en la fête de saint Josémaria

Tatsuya m’annonça une nouvelle et me fit une proposition. La nouvelle ? Il avait décidé d’être baptisé dans l’Église catholique un mois plus tard. Et la proposition : il voulait m’épouser le plus vite possible. Je n’avais pas le droit de refuser, disait-il, puisque j’étais la seule jeune fille catholique qu’il connaissait !

Je n’en revenais pas : une rencontre au hasard dans un métro, un coup de foudre, tout cela n’a lieu que dans les films. Mais c’était si vrai, si réel qu’au mois de février je suis allée en Suède pour assister à son baptême, en la paroisse d’Umeo et que le 26 juin 2004, en la fête de saint Josémaria, un an après notre rencontre, nous nous sommes mariés à Kyoto. Désormais, nous faisons tous les deux partie de l’Opus Dei.

Je suis très heureuse. Vous comprenez maintenant pourquoi le prénom japonais de Marie-Thérèse est Michinu, abondance. C’est pour rendre grâces au Seigneur qui nous a comblés abondamment de ses dons

Certes, avoir eu trois enfants si vite et si rapprochés me donne beaucoup de travail, mais je n’arrête pas de rendre grâces à Dieu pour tout, pour cette “série de hasards”, de cadeaux que dans sa Providence il m’a accordés.