L’amour conjugal

Le mariage chrétien « consolide, purifie et élève » tout amour conjugal. Neuvième article de la Série L’amour, un défi.

« Dieu qui a créé l’homme par amour, l’a aussi appelé à l’amour, vocation fondamentale et innée de tout être humain »[1]. Il l’a créé comme un être capable d’aimer et d’être aimé, car l’homme est créé à l’image et à la ressemblance de Dieu qui est lui-même Amour[2]. Dieu dit qu’il n’est pas bon que l’homme soit seul, et décide de lui donner une aide. Il crée alors la femme.

Homme et femme sont créés l’un pour l’autre. On perçoit déjà la volonté du créateur de faire de ces deux personnes distinctes par leur nature sexuée, égales par leur dignité de personne, des êtres complémentaires. Et cette complémentarité naturelle les conduit quand ils sont attirés l’un par l’autre à une union si profonde qu’elle fait des deux une seule chair : « qu’ils soient uns comme nous sommes un[3] ».

l’amour conjugal est sacré. Dieu bénit cet amour, et invite les époux à entrer en communion avec Lui

La vocation au mariage est inscrite dans la nature même de l’homme et de la femme. C’est Dieu qui en est l’auteur[4]. C’est pourquoi l’amour conjugal est sacré. Dieu bénit cet amour, et invite les époux à entrer en communion avec Lui. L’amour conjugal est reflet de l’amour Trinitaire. De ce fait, l’union conjugale est indivisible et exige une fidélité exclusive et permanente. « Pour un chrétien, le mariage n’est pas une simple institution sociale, et encore moins un remède aux faiblesses humaines : c’est une authentique vocation surnaturelle[5] »

L’homme est appelé à l’amour : quand il aime, il se réalise pleinement en tant que personne. Le Concile Vatican II rappelle en effet, que «l’homme, seule créature que Dieu a voulu pour elle-même ne peut pleinement se trouver que par le don désintéressé de lui-même[6] » et l’homme de bonne volonté est en mesure de le comprendre. Ce don à l’autre est source de richesse et de responsabilité, nous dit Jean-Paul II et Benoit XVI d’ajouter, de soin de l’autre et pour l’autre.

Mais cette communion harmonieuse entre l’homme et la femme a été rompue par le péché originel. Leur attrait mutuel s’est changé en rapports de domination et de convoitise.

C’est le Christ qui est venu rétablir l’ordre initial de la création. Par sa Passion et sa Résurrection, il a rendu l’homme et la femme capables de s’aimer comme Il nous a aimés. «Il leur donne la force et la grâce pour vivre le mariage dans la dimension nouvelle du Règne de Dieu[7] »

Le Christ est venu rétablir l’ordre initial de la création. Par sa Passion et sa Résurrection, il a rendu l’homme et la femme capables de s’aimer comme Il nous a aimés.

L’amour conjugal conduit l’homme et la femme à se donner et à se recevoir mutuellement et librement par le consentement matrimonial, soit l’acte de volonté par lequel a lieu le mariage et qui confère aux époux le statut de conjoints.« De sentiment spontané, l’amour se transforme en devoir qui engage » (Paul VI).

Don et acceptation sont simultanés et réciproques : en effet, le don n’est réellement conjugal que s’il passe par l’acceptation de l’autre qui se donne à son tour et qui est reçu comme conjoint. Chaque époux s’engage envers Dieu et envers son conjoint par un acte d’amour qui est acte libre de la volonté. Les époux sont alors unis corps et âme. Ils sont non seulement mariés mais conjoints, c’est-à-dire unis au niveau de l’être ; ils ne sont plus deux mais « une seule chair »[8]. Il ne s’agit pas d’une fusion mais bien d’une communion, une communauté de personnes liées de cet amour trinitaire qui unit le Père au Fils dans l’Esprit.

L’amour conjugal n’est donc pas seulement un sentiment mais un engagement. Chaque époux a une dette personnelle envers l’autre contractée par un acte libre et doit lui donner ce qui lui est dû en justice. Dieu lui-même scelle cette alliance et vient habiter l’union conjugale. Dieu est fidèle à son alliance tout comme le Christ à son épouse l’Église, « par le sacrement les époux sont habilités à représenter cette fidélité et à en témoigner[9] ».

Dieu unit les époux de manière qu’en formant une seule chair ils puissent transmettre la vie humaine. L’enfant est « le don le plus excellent du mariage[10] »; l’accueillir permet aux parents de participer « à la puissance créatrice et à la paternité de Dieu[11] ». L’union intime et chaste des époux, voulue par Dieu, construit et développe l’amour des parents. Elle favorise le don réciproque par lequel les époux s’enrichissent tous les deux dans la joie et la reconnaissance[12]. Agir à l’encontre des exigences morales propres à l’amour conjugal est contraire au respect du conjoint et à sa dignité.

Il ne s’agit pas d’une fusion mais bien d’une communion, une communauté de personnes liées de cet amour trinitaire qui unit le Père au Fils dans l’Esprit.

Le sacrement du Mariage confère aux époux chrétiens une grâce particulière qui leur permet de perfectionner leur amour, de fortifier leur unité indissoluble, de se relever après les chutes, de se pardonner mutuellement, de porter les faiblesses de l’autre, de s’aimer d’un amour surnaturel et délicat…. « Dans les joies de leur amour et de leur vie familiale il leur donne, dès ici-bas, un avant-goût du festin des noces de l’Agneau[13] ». Mariage civil et mariage chrétien sont confrontés aux mêmes difficultés, mais dans le premier, les époux sont livrés à leurs propres forces, alors que dans le deuxième, ils peuvent s’appuyer et se reposer en Dieu.

Pour qu’il demeure et s’épanouisse, l’amour conjugal doit être cultivé. Il est exigeant dit Saint Paul. Force et persévérance sont nécessaires face aux épreuves. Dieu n’a pas donné aux hommes une vie sans difficultés ni souffrances. Il les permet comme autant d’occasions d’aimer plus. C’est pourquoi le mariage est chemin de sanctification. « Le mariage est un chemin divin, grand et merveilleux, et, comme tout ce qui est divin en nous, il comporte des manifestations concrètes de réponse à la grâce, de générosité, de don de soi, de service[14] »

Aimer s’apprend. « Aimer, c’est… ne nourrir qu’une seule pensée, vivre pour la personne aimée, ne plus s’appartenir, être soumis heureux et libre, d’âme et de cœur, à une volonté qui est autre… et nôtre en même temps[15] ». Aimer demande du temps et des efforts. Il faut apprendre à approfondir l’amour du conjoint en cherchant à avoir une connaissance de plus en plus fine, de plus en plus intense, de plus en plus confiante de l’être aimé. Il faut à la fois élargir son propre cœur et celui de son conjoint, essayer de pallier généreusement à ses limites, et surtout exercer le pardon et la miséricorde : tout mettre en œuvre pour vivre le don de soi au service de l’autre.

Le Christ est notre modèle « voici pourquoi le Père m’aime, parce que je donne ma vie. Ma vie, nul ne me la prend, c’est moi qui la donne[16] ». Voilà quelle est la vocation au mariage: donner sa vie pour celui ou celle que l’on aime. Pour cela, il faut accepter de se laisser renouveler par le Christ qui agit et transforme le cœur des époux. La prière des époux est vitale pour que le couple reste en Dieu, garde une paix surnaturelle face aux difficultés qui sont alors examinées dans leur juste mesure, offre peines et faiblesses, mais aussi joies et actions de grâce ! « Les époux sont appelés à sanctifier leur union et à se sanctifier dans cette union. C’est pourquoi ils commettraient une grave erreur s’ils édifiaient leur conduite spirituelle en marge de leur foyer, ou en lui tournant le dos[17] »

C’est dans les « petites choses » que l’amour se déploie : paroles, gestes de tendresse, attentions délicates.

Parfois, elles semblent bien insignifiantes, mais elles font souvent le bonheur de chacun.

Les époux doivent être vrais et aimants, sincères et simples. Ils doivent s’exprimer intelligemment en choisissant des paroles qui construisent et ne détruisent pas, en ne prêtant pas à l’autre de mauvaises intentions (ce qui demande de maîtriser son imagination). Ils ne doivent pas chercher à modeler l’autre à leur convenance, mais plutôt l’accepter tel qu’il est avec ses défauts et ses qualités.

Les époux doivent s’efforcer de prendre en main leur relation, décider de faire ou de dire tout pour que l’amour renaisse, grandisse et s’épanouisse.

Tout cela demande aux conjoints d’être humbles, de reconnaître leurs propres limites pour dédramatiser celles de l’autre. L'effort pour être patient et clairvoyant permet de voir la richesse de l’autre par- delà ses défauts et ses faiblesses.

Surtout, ils doivent être miséricordieux, comme le Christ est miséricordieux. Rancœurs et bouderies étouffent et enferment. Regrets et comparaisons détruisent et isolent.

Pourtant, les crises sont normales dans un couple. Elles sont le signe que quelque chose doit changer. Les époux doivent s’efforcer de prendre en main leur relation, décider de faire ou de dire tout pour que l’amour renaisse, grandisse et s’épanouisse. Ils doivent se mobiliser pour créer un climat de sécurité et de confiance. Le pire serait «l’indifférence»[18].

Il faut avant tout apporter du positif et du merveilleux, donner sans compter, aimer avant d’agir, s’en remettre au Seigneur pour lui demander la force et les grâces nécessaires. Voir l’autre comme un cadeau du Seigneur pour la sanctification personnelle, pour l’approfondissement de la foi : pour aimer plus et aimer mieux.

Pascale Laugier


[1] Catéchisme Église Catholique, n. 1604

[2] Gn1, 26-27

[3] Jean 17 ; 21

[4] Concile Vatican II, Gaudium et Spes n. 48

[5] Saint Josémaria, Quand le Christ passe n. 23

[6] Concile Vatican II, Gaudium et Spes n.24

[7] Catéchisme Église Catholique, n. 1615

[8] Gn 2,24

[9] Catéchisme Église Catholique, n. 1647

[10] Catéchisme Église Catholique, n. 1652

[11] Catéchisme Église Catholique n. 2367

[12]Concile Vatican II Gaudium et Spes n. 49

[13] Catéchisme Église Catholique, n. 1642

[14] Entretiens avec Monseigneur ESCRIVA, n. 93

[15] Sillon n. 797

[16] Jn10, 17-18

[17] Quand le Christ passe n. 23

[18] Message pour le Carême 2015 du Pape François