La contemplation dans la vie ordinaire. À propos de Josémaria Escriva

Proposer à tous la sainteté, c’est croire la contemplation possible pour tous, croire que ceux qui vivent dans le brouhaha de la vie ordinaire sont eux aussi à même d’élever leur âme vers Dieu sans solution de continuité. L'abbé Laurent Touze, professeur de l'Université Pontificale de la Sainte Croix nous livre ici une réflexion sur le message de saint Josémaria.

« Le grand besoin de notre âge, en ce qui concerne la vie spirituelle, est de mettre la contemplation sur les chemins », écrivaient Jacques et Raïssa Maritain en 1959. « Grand besoin » d’un âge irrigué par les intuitions qui déboucheraient sur la proclamation de l’appel universel à la sainteté par Vatican II. Proposer à tous la sainteté, c’est croire la contemplation possible pour tous, croire que ceux qui vivent dans le brouhaha de la vie ordinaire sont eux aussi à même d’élever leur âme vers Dieu sans solution de continuité. Réfléchissant plus avant à cette « contemplation sur les chemins », les Maritain proposaient immédiatement un exemple toujours actuel et qui viendrait encore aujourd’hui à l’esprit de beaucoup, celui du vénérable Charles de Foucauld et de sa postérité spirituelle.

Josémaria Escriva (1902-1975) a lui aussi un message à offrir sur la contemplation au milieu du monde. Il est parfois plus connu pour son rôle institutionnel comme fondateur de l’Opus Dei ; sa proposition spirituelle, notamment sur la contemplation au milieu du monde, vaut la peine d’être présentée, et c’est ce qu’on fera ici, en citant surtout ses écrits .

1. CONTEMPLATION ET FILIATION DIVINE

Pour Josémaria Escriva, c’est par la considération fréquente de la paternité de Dieu que le chrétien pose ce regard contemplatif sur sa vie. En lisant les circonstances même banales de son existence à la lumière de la filiation divine, il découvre peu à peu la grandeur de la vie ordinaire.

Et pour apprendre cette lecture filiale, il doit d’abord lever les yeux vers Jésus-Christ, Fils unique et premier-né d’une multitude de frères. Les mystères de sa vie cachée – vie ordinaire, essentiellement semblable à celle de tant d’hommes et de femmes de toutes les époques – étaient déjà rédempteurs. « En grandissant et en vivant comme l’un d’entre nous, Jésus nous révèle que l’existence humaine, nos occupations courantes et ordinaires, ont un sens divin. [...] Nous devons toujours admirer ces trente années de vie obscure qui constituent la plus grande partie de la vie de Jésus parmi ses frères les hommes. Années obscures, mais, pour nous, claires comme la lumière du soleil. Ou mieux, splendeur qui illumine nos journées et leur donne leur véritable dimension, puisque nous sommes des chrétiens courants, qui menons une vie ordinaire, semblable à celle de millions de gens dans les coins les plus divers du monde. C’est ainsi que vécut Jésus durant trente ans : il était fabri filius (Mt 13,55), le fils du charpentier. Viendront ensuite les trois années de vie publique, avec les cris des foules. Les gens s’étonnent : qui est cet homme ? Où a-t-il appris tant de choses ? Car sa vie avait été celle de tous dans son village natal. C’était le faber, filius Mariae (Mc 6,3), le charpentier, le fils de Marie. Et c’était Dieu, et voici qu’Il réalisait la Rédemption du genre humain, en attirant toute chose à Lui (Jn 12,32) » (Quand le Christ passe, n° 14).

C’est cet état du Christ que le chrétien vivant dans le monde est singulièrement appelé à imiter, offrant au Sauveur comme une nouvelle humanité où reproduire les actes rédempteurs de la vie cachée. L’œuvre du Fils peut devenir celle des fils par adoption. « Nous sommes des chrétiens ordinaires, nous exerçons les professions les plus variées ; nos activités empruntent des voies ordinaires ; tout se déroule selon un rythme prévisible. Nos journées semblent toutes pareilles, presque monotones... C’est vrai, mais cette vie, qui paraît si commune, a une valeur divine ; elle intéresse Dieu, car le Christ veut s’incarner dans nos occupations, et animer jusqu’aux plus humbles de nos actions » (Quand le Christ passe, n° 174). « Ainsi, en vivant chrétiennement parmi nos égaux, une vie ordinaire, mais conforme à notre foi, nous serons le Christ présent parmi les hommes » (Quand le Christ passe, n° 112).

Dans cette mesure, « sens de la filiation divine et vie contemplative forment ainsi, d’une certaine manière, une seule chose » parce que c’est en prenant conscience de la paternité de Dieu que le chrétien découvre le vrai prix de sa vie ordinaire. Le Père se penche vers la terre pour y rechercher de nouveaux enfants qui tels le Verbe incarné transfigurent leur vie quotidienne en un dialogue salvifique et filial. « Même si je le respecte, je ne partagerai jamais le point de vue de ceux qui séparent la prière de la vie active, comme s’il s’agissait de deux choses incompatibles. Nous autres, enfants de Dieu, nous devons être des contemplatifs : des personnes qui, au milieu du grondement de la foule, savent trouver le silence d’une âme qui s’entretient sans cesse avec le Seigneur ; et Le regarder comme on regarde un Père, comme on regarde un Ami que l’on aime à la folie » (Forge, n° 738).

" Nous devons toujours admirer ces trente années de vie obscure qui constituent la plus grande partie de la vie de Jésus parmi ses frères les hommes."

Ébaucher ici un très bref contrepoint sur les grands thèmes de la vie cachée du Christ selon Charles de Foucauld et Josémaria Escriva fera mieux entendre comment ils harmonisent différemment le motif de Nazareth. Tous deux interprètent en effet Nazareth comme un des points centraux de leur vocation, mais ils le déchiffrent diversement. Frère Charles, cité supra comme une référence pour la ‘contemplation sur les chemins’, disait des desseins du Seigneur sur son existence « qu’Il voulait que je me consacre à l’imitation de Sa vie à Nazareth, et cela parmi les musulmans en des contrées reculées . » Et c’est le même projet qu’il offre à ses disciples : « Dans l’amour, l’adoration, l’immolation, la supplication, le travail manuel, la pauvreté, l’abjection, le recueillement, le silence, on imitera le plus fidèlement possible la vie cachée de Jésus à Nazareth . » « Obéir aux conseils évangéliques ne lui suffit pas ; [Charles de Foucauld] veut encore imiter le Christ dans la vie même qu’il a historiquement menée. [...] En réalité, ce n’est pas la vie de Nazareth, telle que Jésus l’a sans doute historiquement vécue – existence discrète, effacée, d’une famille ordinaire. En Galilée, il y avait certainement de plus pauvres familles que la Sainte Famille, de plus délaissées, de plus abandonnées qu’Elle. C’est la vie de Nazareth telle qu’il la conçoit et telle que Dieu l’appelle à la vivre » et il l’appelle à la vivre d’abord dans la kénose, dans l’anéantissement de celui qui s’abaisse et s’occulte. Le rayonnement de cet effacement volontaire est sans doute à l’origine de la fascination exercée par Foucauld et de son admirable fécondité spirituelle.

Pour Josémaria aussi, la référence à Nazareth appartient au message qu’il reçoit de Dieu, mais la tonalité est autre. « Permettez-moi de revenir au naturel, à la simplicité de la vie de Jésus, que je vous ai déjà fait considérer tant de fois. Ces années cachées de la vie du Seigneur ne sont pas sans signification ; elles ne sont pas non plus une simple préparation des années à venir, celles de sa vie publique. Depuis 1928 [année de la fondation de l’Opus Dei], j’ai clairement compris que Dieu désire que les chrétiens prennent pour exemple la vie du Seigneur tout entière. J’ai compris tout spécialement sa vie cachée, sa vie de travail courant au milieu des hommes ; le Seigneur veut, en effet, que beaucoup d’âmes trouvent leur voie dans ces années de vie cachée et sans éclat. Obéir à la volonté de Dieu est toujours, par conséquent, sortir de son égoïsme ; mais cela ne doit pas se réduire essentiellement à s’éloigner des circonstances ordinaires de la vie des hommes, nos égaux par l’état, la profession, la situation dans la société » (Quand le Christ passe, n° 20). Le lieu de la contemplation est donc celui où se trouve le chrétien dans le monde, il vit l’esprit de Nazareth sans changer d’état : c’est justement dans l’accomplissement des activités séculières courantes qu’il est appelé à contempler. Ceux qui vivent l’esprit du bienheureux Josémaria « n’ont nul besoin de pénétrer dans les structures temporelles, pour la simple raison qu’ils y sont déjà, étant des citoyens ordinaires et pareils aux autres » (Entretiens, n° 66). « En vivant de la sorte, sans se distinguer par conséquent des autres citoyens, en étant pareils à ceux qui travaillent à leurs côtés, ils s’efforcent de s’identifier au Christ et ils imitent ses trente années de travail dans l’atelier de Nazareth » (Entretiens, n° 70).

Et comme le charpentier Jésus de Nazareth travaillait et sauvait sous le regard du Père, de même pour les chrétiens courants, « où que nous soyons, en plein milieu de la rumeur de la rue et des affaires humaines – à l’usine, l’université, à la campagne, au bureau ou à la maison –, nous nous trou-vons dans une contemplation filiale très simple, dans un constant dialogue avec Dieu. Car tout – per-sonnes, choses et occupation – nous fournit l’occasion et le thème pour une conversation continuelle avec le Seigneur . » Non seulement la vie ordinaire n’est pas une barrière à la contemplation, elle en devient même l’occasion. En découvrant que toutes les actions y compris les plus apparemment pro-saïques peuvent co-racheter le monde et les âmes, le chrétien apprend à vivre en présence de Dieu, puisqu’il sait maintenant que rien dans son existence n’est étranger aux desseins salvifiques du Père. Le baptisé n’est pas condamné à une double vie compartimentée par une cloison hermétique, ici active et plus loin contemplative. S’ouvre pour lui une « unité de vie [qui] n’est pas un expédient psychologique ni le produit d’un effort de la volonté : elle répond à la claire perception de la valeur divine de la réalité ordinaire . » « Il y a quelque chose de saint, de divin, qui se cache dans les situations les plus ordinaires et c’est à chacun d’entre vous qu’il appartient de le découvrir » (Entretiens, n° 114). Dans cette mesure, quand le travail devient oraison, l’appel universel à la sainteté cesse d’être une théorie qui occulterait une perfection au rabais pour qui vit dans le monde, une perfection sans contemplation ininterrompue . « Nous sommes obligés de faire de notre vie ordinaire une prière continue, parce que nous sommes des âmes contemplatives au milieu de toutes les rues du monde . »

2. PORTÉE PRATIQUE DE LA CONTEMPLATION AU MILIEU DU MONDE

Le résumé dressé jusqu’ici pourrait donner une fausse impression, celle d’un discours théorique. Il semble suffisant de connaître la capacité qu’a le chrétien de co-racheter l’humanité à l’exemple du Fils à Nazareth : la vie ordinaire en serait comme automatiquement transfigurée en contemplation. Or tel n’est pas le message du bienheureux Josémaria. S’il ne craint pas d’appeler de ses vœux un « matérialisme chrétien » (Entretiens, n° 115) ou d’exprimer la joyeuse ambition humaine de collaborer à la Création (voir Quand le Christ passe, n° 65), il reste conscient que la contemplation dans le travail professionnel et les circonstances ordinaires requiert à la fois la grâce divine et l’effort humain. Il n’est pas l’avocat d’une confiance aveugle envers les réalités terrestres qui confondrait le travail tout court et la sainteté, comme si le simple fait de travailler signifiait toujours une collaboration salvifique aux plans divins. « Travaillons, et travaillons beaucoup et bien, sans oublier que notre meilleure arme est la prière. C’est pourquoi, je ne me lasse pas de répéter que nous devons être des âmes contemplatives au milieu du monde, qui s’efforcent de transformer leur travail en prière » (Sillon, n° 497).

Pour Josémaria, cette transformation du travail en prière exige des pauses d’oraison, des « mo-ments [qui] ne sont pas considérés comme une rupture avec ce qui précède, comme un abandon du monde dans lequel on a vécu jusqu’alors, pour passer à un autre, plus divin ; ils sont tenus pour les moments plus intenses d’une attitude qui est permanente . » Le chrétien n’a pas à fuir un monde con-taminé pour se purifier au temple ; il vient prier pour acquérir une manière d’être à incarner aussi dans son travail. « Recommander cette union continuelle avec Dieu, n’est-ce pas présenter un idéal si élevé qu’il se révèle inaccessible à la majorité des chrétiens ? C’est vrai, le but est élevé, mais il n’est pas inaccessible. Le sentier qui conduit à la sainteté est un sentier de prière ; et la prière doit ‘prendre’ peu à peu dans l’âme, comme la petite graine qui deviendra plus tard un arbre feuillu. Nous commençons par des prières vocales que, pour beaucoup d’entre nous, nous avons répétées lorsque nous étions enfants. [...] D’abord une invocation, puis une autre, et une autre... jusqu’à ce que cette ferveur semble insuffisante, tant les mots paraissent pauvres... : alors on donne libre cours à l’intimité divine, dans une contemplation de Dieu qui ne connaît ni repos, ni fatigue. Nous vivons alors comme des captifs, comme des prisonniers. Tandis que nous réalisons avec la plus grande perfection possible, malgré nos erreurs et nos limites, les occupations propres à notre condition et à notre métier, notre âme désire ardemment s’échapper. Elle va vers Dieu, comme le fer attiré par la force de l’aimant. L’on commence à aimer Jésus, de façon plus efficace, et à ressentir une tendre émotion » (Amis de Dieu, n° 295-296). Le chrétien apprend dans la prière à parler avec Dieu comme avec son Père, et c’est justement cette attitude filiale vécue à l’heure de la piété qu’il reprendra dans la vie ordinaire. « Ces pratiques [de prière] te mèneront presque insensiblement à la prière contemplative. Des actes d’amour plus nombreux naîtront dans ton âme : jaculatoires, actions de grâce, actes de réparation, communions spirituelles. Et cela, tout en accomplissant tes obligations : en décrochant ton téléphone, en prenant un moyen de transport, en ouvrant ou en fermant la porte, en passant devant une église, avant de te mettre au travail, en le réalisant ou en l’achevant. Tu sauras tout rapporter à Dieu ton Père. Appuyez-vous sur la filiation divine. Dieu est un Père débordant de tendresse, d’un amour infini. Appelle-le ‘Père’ souvent dans la journée et dis-lui, seul à seul, dans ton cœur, que tu l’aimes, que tu l’adores, que tu ressens l’orgueil et la force d’être son fils. Cela suppose un authentique programme de vie intérieure qu’il faut canaliser sous la forme de tes relations de piété avec Dieu. Peu nombreuses, mais constantes, j’insiste, elles te permettront d’acquérir les sentiments et les façons d’être d’un bon fils » (Amis de Dieu, n° 149-150). Vivre la filiation divine dans le travail suppose qu’on l’ait apprise dans la prière.

Autre facette de la non-automaticité de la sanctification de la vie ordinaire : travailler en fils se traduit pour Josémaria par une modification du travail lui-même. Le regard filial que le chrétien pose sur sa profession ou ses activités familiales et sociales ne les laisse pas inchangées. « La finalité surnaturelle ne saurait donc ressembler à une étiquette que l’on collerait sur le travail de l’homme, comme sur une marchandise – saine ou avariée – pour l’amener à bon port, sans l’affecter ni influer sur sa qualité intrinsèque. La contemplation corrige l’action chaque fois que celle-ci n’est pas à la hauteur requise par la dignité de la personne humaine ou par la dignité, plus grande encore, d’enfant de Dieu ; ou lorsqu’elle ne sert pas à l’édification du Peuple de Dieu . » Là aussi, la filiation divine est la clef, c’est elle qui « corrige l’action » : conscients que Dieu notre Père attend notre collaboration filiale à l’œuvre du salut par l’accomplissement de nos activités ordinaires à l’exemple du Christ, nous aurons faim de travailler avec perfection, pour que cette contribution soit plus efficace : « Soyez persuadés qu’il n’est pas difficile de convertir votre travail en une prière dialoguée ! Vous l’offrez ou vous mettez la main à l’ouvrage, et voilà que Dieu vous écoute et vous encourage. Nous atteignons l’allure des âmes contemplatives, tout en étant absorbés par notre tâche quotidienne, envahis que nous sommes par la certitude qu’Il nous regarde tout en nous demandant une nouvelle victoire sur nous-mêmes : ce petit sacrifice, ce sourire devant la personne importune, cet effort pour donner la priorité au travail le moins agréable mais le plus urgent, ce soin des détails d’ordre, cette persévérance dans l’accomplissement du devoir alors qu’il serait si facile de l’abandonner, cette volonté de ne pas remettre au lendemain ce que l’on doit terminer le jour même ; et tout cela pour faire plaisir à Dieu notre Père ! Peut-être as-tu aussi placé, sur la table ou dans un endroit discret qui n’attire pas l’attention, ce crucifix qui est pour toi comme un ‘réveil’ de l’esprit contemplatif et un manuel où ton âme et ton intelligence apprennent des leçons de service » (Amis de Dieu, n° 67 ; voir aussi n° 58).

« Il y a quelque chose de saint, de divin, qui se cache dans les situations les plus ordinaires et c’est à chacun d’entre vous qu’il appartient de le découvrir »

Une dernière manière de dire cette conversion de la réalité que provoque la contemplation ré-sumera les observations précédentes : regarder le monde avec les yeux du Christ le révèle comme un autel qui attend son prêtre. Le baptisé doit réaliser qu’il est un autre Christ, le Christ lui-même, selon une formule reprise par le bienheureux Josémaria et qui est « comme la synthèse de sa pensée spirituelle et de sa considération du mystère du Christ et du chrétien . » Dans la condition que Dieu lui a départie, tel que l’a trouvé l’appel divin (voir 1 Co 7,17), le chrétien peut regarder ses circonstances quotidiennes (professionnelles, familiales etc.) comme Jésus-Christ voyait les siennes à Nazareth, c’est-à-dire comme autant de situations à offrir sacerdotalement au Père. « Le chrétien est obligé d’être alter Christus, ipse Christus, un autre Christ, le Christ Lui-même. Par le baptême, nous avons tous été institués prêtres de notre propre existence pour offrir des sacrifices spirituels, agréables à Dieu par Jésus-Christ (1 P 2,5), et pour réaliser chacune de nos actions dans un esprit d’obéissance à la volonté de Dieu, perpétuant ainsi la mission de Dieu fait Homme » (Quand le Christ passe, n° 96). Avec l’exercice pratique du sacerdoce commun, la contemplation transforme la prose de chaque jour en alexandrins (voir Quand le Christ passe, n° 50) : la vie ordinaire sort de son cadre routinier et s’ouvre à l’aventure d’un monde que nos actes apparemment banals métamorphosent silencieusement mais avec une efficacité divine. « Si tu es décidé – sans extravagance, sans abandonner le monde et au milieu de tes occupations habituelles – à t’engager dans cette voie de la contemplation, tu te sentiras aussitôt l’ami du Maître, avec la mission divine d’ouvrir à l’humanité tout entière les sentiers divins de la terre... Oui, grâce à ton travail, tu contribueras à étendre le royaume du Christ sur tous les continents. Et ce sera une succession d’heures de travail offertes, l’une après l’autre, pour les nations lointaines qui naissent à la foi, pour les nations orientales sauvagement empêchées de professer librement leurs croyances [texte de 1960], pour les pays de vieille tradition chrétienne où il semble que la lumière de l’Évangile se soit obscurcie et que les âmes se débattent dans l’ombre de l’ignorance... Alors quelle valeur acquiert telle heure de travail ou ton ardeur à poursuivre ta tâche quelques instants de plus, quelques minutes de plus jusqu’à son achèvement. C’est ainsi que tu transformes, de façon réaliste et simple, la contemplation en apostolat, en répondant à un besoin impérieux de ton cœur qui bat à l’unisson avec le Cœur très doux et très miséricordieux de Jésus notre Seigneur » (Amis de Dieu, n° 67).

* Laurent Touze

Université pontificale de la Sainte-Croix (Rome)

« Esprit et Vie » 112 (2002), pp. 9-14