Chemins de mai, chemins de Marie

L’abbé Pégourier illustre, dans cet article, la dévotion mariale telle qu’elle est vécue dans l’Église et dans l’Opus Dei.

 « Oh, le beau ange, Oh le beau ange », s’exclama Jeannette, une petite fille de 7 ans lors de la première des apparitions de L’Île Bouchard. Il contemplait la Belle Dame, tourné vers Elle, tel que le représentent souvent les peintres de l’Annonciation, ici le genou droit à terre. Au cours des dix visites de la Vierge dans ce coin de Touraine, entre le 8 et le 14 décembre 1947, il prie avec Elle mais ne dit rien à l’adresse des enfants, sauf la deuxième fois, lorsque Jacqueline, la plus grande des quatre voyantes demande : - « Quel est l’Ange qui vous accompagne » ? Faisant un mouvement vers elle, il répond en souriant : - « Je suis l’ange Gabriel » !

Il ne dit rien : il est « tout yeux tout oreilles » pour Elle. Comment faire moins ? Celui qui contemple Marie sans être ravi, extasié – commentait saint Pierre Chrysologue – méconnaît Dieu qui en a fait son image la plus accomplie, dont le regard suscite à chaque instant de nouveaux enchantements, en raison de la richesse de son âme qui transparaît et offre des lumières qui ravissent le cœur. D’ailleurs, les fillettes, une fois passée l’émotion de la première apparition et avoir raconté ce qui leur était arrivé, n’eurent de cesse que de revenir à l’église contempler le doux visage de leur maman du ciel.

 

« Tes yeux sont des yeux de colombe derrière ton voile »[1] Les chemins de mai ne s’ouvrent pas d’abord sous les pieds, mais dans le regardqui cherche celui de Marie … sur l’icône à la maison, sur le macaron du tableau de bord de voiture où est sertie sa représentation … Dans sa catéchèse, saint Josémaria rappelle une histoire de son pays qui fait ressortir la qualité de son regard : « Il me revient en mémoire un pèlerinage que j'ai fait, en 1933, à un sanctuaire de la Vierge, en Castille, à Sonsoles. Ce n'était pas un pèlerinage au sens habituel du terme, car il n'était ni bruyant, ni massif : nous étions trois. je respecte et j'aime les autres manifestations publiques de piété, mais, personnellement, je préfère essayer d'offrir à Marie une affection et un enthousiasme analogues, au cours de visites personnelles, ou en petits groupes, avec toute la saveur que donne l'intimité.

Donc lors de ce pèlerinage à Sonsoles, je découvris l'origine de ce titre sous lequel on invoque la Vierge. Détail peut-être sans grande importance, mais manifestation filiale de la piété de cette région. La statue de Notre-Dame que l'on vénère en ce lieu demeura cachée quelque temps, à l'époque des luttes entre chrétiens et musulmans, en Espagne. Au bout de quelques années, elle fut découverte par des bergers qui, selon la tradition, s'exclamèrent: “ Quels beaux yeux, ce sont des soleils! son soles ! »[2].

Cherchons donc des yeux la Reine des cieux notre Mère, pour que nous sachions marcher dans la lumière de Dieu.

Le sanctuaire de Sonsoles, près d'Avila.

« Dites-le avec des fleurs » !

Dans l’église Saint-Gilles, lors des événements, l’Archange exprime sa révérence et son admiration, non seulement par son attitude, mais aussi par le lys blanc qu’il tient en main et qui, traditionnellement, symbolise la pureté. C’est ainsi qu’il signale la Vierge immaculée et qu’il introduit son dialogue avec les enfants.

Les fleurs ont une valeur symbolique et sont à même, en raison de leur beauté, de leurs formes et couleurs variées, de servir, par leur diversité, un large éventail de sentiments nuancés. Mais, pour parler leur langage, Gabriel n’a pas attendu l’avènement des slogans publicitaires. Et ce langage est reçu, il est écouté, il fait école : samedi 13 décembre, Jacqueline offre, de la part d’une paroissienne, une gerbe d’œillets que la Vierge bénit. Dimanche 14, jour de la dernière apparition, à la fin de la grand messe, les fillettes lui apportent, sur leurs bras chargés, de magnifiques fleurs : - « Prenez-les », dit Jacqueline ! La Dame continue de sourire. – « Embrassez-les », insiste t-elle ! – « Je les embrasserai, mais je ne veux pas les prendre. Vous les emporterez » ! Elles lui présentent, chacune sa gerbe, qu’Elle embrasse tour à tour. Pendant toute la semaine, elles ont prié et chanté avec Notre Dame, et fait prier et chanter les paroissiens le Je vous salue, Marie … , Ô Marie conçue sans péché, priez pour nous qui avons recours à vous et, à la fin, « c’est le bouquet » ! Marie montre ainsi qu’Elle fait siennes ces prières, ces fleurs spirituelles qui lui sont présentées au travers de fleurs naturelles : fleurs offertes qui portent le désir de L’aimer. Le renouveau de la dévotion populaire qui s’en suivit en est l’illustration.

L’anecdote suggèreunautre chemin de mai : le chemin des dévotions simples, patinées par la piété de siècles de fidèles : Magnificat, chapelet, Salve ..., priés, chantés, unis à la certitude de réjouir Marie, selon son aveu même aux enfants : « Chantez leJe vous salue, Marie, ce cantique que j’aime bien » ; pensées, élans, désirs, compliments qui la touchent et l’enchantent au point qu’Elle pourrait ratifier ces paroles de poète : « les mots que l’on reçoit sont comme des parfums qu’on respire » [3].

Faire aimer Marie

Au cours des apparitions, c’est la Vierge qui, de fait, organise la prière et les chants des enfants, les invite à prendre leur chapelet, leur pose des questions, répond à leurs demandes, comme une bonne mère, une maîtresse d’école, soucieuse de leur progrès et de leur éducation. Son attitude, au plan pratique correspond, au plan théologique, à l’intuition de saint Louis-Marie Grignion de Montfort qui disait : Elle est « notre supplément devant Dieu » [4]. Notre Dame n’est pas seulement à côté de nous comme une sœur aînée, ou au-dessus de nous en raison de sa sainteté insigne, de sa conception immaculée. Elle nous englobe et nous enfante, nous aide à grandir, sous les plis de son manteau. Elle est notre Mère selon la grâce. Nous sommes façonnés spirituellement par Dieu à l’intérieur d’Elle-même, comme les enfants dans le giron de leur mère. C’est dire que, pour ne pas rester « ados », avec tout ce que ce terme signifie aujourd’hui de perturbations et d’immaturité, pour devenir adultes dans le Christ [5], il faut être formés dans la matrice qu’est le sein de Marie et ainsi, renaître de l’Esprit [6].

Sans doute est-ce un jaillissement de tendresse populaire qui a fait du mois de mai le mois de Marie : 31 jours sur 31 lui sont dédiés. Comment ne pas tirer parti de cette ouverture sur le ciel dans notre relationnel habituel, pour faire connaître, apprécier, aimer la Vierge immaculée ? Dans ce pays, on a coutume d’offrir, le premier mai, un brin de muguet comme signe d’un bonheur à venir. Á plus forte raison,offrons un repère, ouvrons un chemin marial dans les cœurs : image, médaille, dévotion partagée, visite à un sanctuaire … Que les personnes que nous fréquentons se rendent compte à quel point Marie est notre Mère !

C’est faire preuve d’intelligence que de recourir à la Vierge : Elle en est une étincelante figure : « Elle est la seule, avec Dieu, à avoir prononcé ce Fiat qui a donné deux fois naissance à la lumière » [7].

[1]              Ct 4, 4.

[2]              Quand le Christ passe, 139.

[3]              Francis Cabrel, Il faudra leur dire.

[4]              « L’âme de la Sainte Vierge se communiquera à vous pour glorifier le Seigneur ; son Esprit entrera en la place du vôtre pour se réjouir en Dieu, son salutaire, pourvu que vous vous rendiez fidèle aux pratiques de cette dévotion » Traité de la vraie dévotion, n° 217.

[5]              Cf. Ep 4, 13.

[6]              Cf. Jn 3, 5.

[7]              André Frossard, Dieu en questions – Marie.