Le Suaire de Turin : dernières découvertes et nouvelles énigmes

Entre le 10 avril et le 23 mai de cette année, le Suaire de Turin sera exposé au public, pour la première fois en ce troisième Millénaire. A cette occasion, ce 17 mars, le Centre Culturel Groenendael a invité l’abbé Philippe Dalleur à faire le point sur les connaissances dans ce domaine.

Une soixantaine de personnes ont assisté à l’exposé. Le conférencier est docteur en sciences appliquées et en philosophie. Il est Professeur de Philosophie des Sciences à l’Université Pontificale de la Sainte Croix (Rome).

La fiabilité du C14

En 1989, trois laboratoires ont tenté une datation du linceul par la technique du carbone 14. Les résultats ont été publiés dans la revue Nature. Cette tentative fait actuellement l’objet de nombreuses critiques dans le monde scientifique. Beaucoup d’experts évoquent un problème de contamination des échantillons du linceul. De fait, le Suaire est une pièce unique dans l’histoire humaine, très différente d’un linceul d’une momie restée enfermée pendant 2 à 3000 ans dans un sarcophage.

L’histoire à rebours

« En le dénonçant comme un faux du 13 ou 14ème siècle réalisé en France, cette étude publiée dans Nature entre en contradiction avec des analyses scientifiques sérieuses publiées dans des revues spécialisées en archéologie (ressemblances iconographiques et numismatiques, Codex de Pray), biologie (pollens palestiniens, sang avec antigènes AB et Rh, gomme, lichens, champignons), minéralogie (aragonite travertine, poussière de Jérusalem près des pieds), chimie (datation par vanilline/lignine à plus de 1500 ans d’âge, présence de coton et compositions chimiques différentes entre le linceul et la zone périphérique datée), etc. » 

Le conférencier tenta de retracer l’histoire mouvementée de ce tissu. Avant 1353, son histoire est incertaine, mais le Suaire semble lié au « Mandylion », une icône du Christ très vénérée et disparue lors du sac de Constantinople, à l’occasion de la 4ème Croisade en 1204. Le Codex de Pray, une représentation graphique certifiée du linceul du Christ, de peu antérieure à cette disparition (autour de 1195), appuie fortement la thèse de l’identité avec le Suaire de Turin : on y voit les mêmes traces d’incendie (trous en forme de ‘L’ sur la face, et de ‘B’ sur le dos), la même disposition du corps, les pouces cachés sous les paumes, des traces de croisements sur le dos, la technique du tissage en épines de poisson et torsion en Z, des traces de la couronne d’épine, etc.

D’autres études scientifiques relèvent le caractère inexplicable de la formation de l’image sur le linceul : « superficielle et transparente, de spectre électromagnétique différent des zones brûlées, comparable à un négatif photographique, tridimensionnelle, avec une parallaxe et une géométrie anormales ... Elle ressemble à du pointillisme en roux, avec densité variable de petits points à la surface du dépôt amidonné sur les fibres de lin. »

Les résidus sont aussi analysés : traces de plantes, de sang, de peau, de muscle, poussières calcaires, etc. Sur 313 pollens, seulement 204 ont été identifiés ; 91 appartiennent à une seule espèce endémique des régions arides situées entre la Palestine et le Pakistan, et dont la pollinisation a lieu au mois hébreu de Nisán(celui où eut lieu la Passion du Christ, selon les Évangiles). Ces 91 pollens se rencontrent majoritairement près de la chevelure, suggérant l’emploi de cette plante dans la couronne d’épines. 71% des espèces identifiées viennent du Moyen Orient, pour seulement 29% de la zone franco-italienne, où le Suaire séjourne depuis le 14ème siècle.

Un signe pour le XXI siècle ?

En réponse aux nombreuses questions posées par le public, le problème du sens que pourrait avoir le Suaire de Turin —si son authenticité était avérée— a été évoqué. D’après le Professeur Dalleur, « au niveau théologique, le Suaire peut être un signe non nécessaire pour le Salut, un signe plus ‘faible’ que les miracles de l’Évangile », c’est-à-dire, non nécessaire comme soutien de la foi catholique, mais pouvant la renforcer pour les hommes de notre temps. « Le croyant se sent invité à chercher Dieu sans signe éclatant et contraignant (…). On y retrouve l’humilité et le silence de Dieu. »

Néanmoins, avertit le Professeur Dalleur, ce signe gêne certains incroyants qui veulent le dénigrer, l’attaquer, et qui y voient une fraude monumentale réalisée au moyen du meurtre d’un homme à qui on aurait fait subir les supplices du Christ. « Cependant — se demanda-t-il —, quel disciple du Christ ferait un tel acte sans tomber dans une incohérence par rapport au message d’amour de son maître ? Celui qui y croit y voit un signe expressif et efficace de la mort et de la résurrection. »

Le conférencier cita des mots de Jean Paul II lors du pèlerinage au Saint Suaire le 24 mai 1998. Le pape y évoque le Saint Suaire comme un « miroir de l’Évangile  (cf. Jn 19), reflet de la souffrance et de l’impuissance humaine, image de l’Amour de Dieu, au-delà du péché de l’homme, image du silence de la mort et de Dieu, triomphe sur l’éphémère, la mort, l’impuissance et le désespoir. »